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L'affaire Rhodia est un scandale politico-financier français concernant la séparation, en 1999, des branches chimie, devenue Rhodia, et pharmacie, devenue Aventis, du groupe Rhône-Poulenc. Cette affaire fait beaucoup de bruit car elle pourrait impliquer des hommes politiques et des banquiers de premier plan.
Le fond de l'affaire
L'enquête fait suite à une plainte contre X pour « présentation de comptes inexacts, diffusion d'informations fausses ou mensongères, délit d'initié et recel de délit d'initié ». Le parquet requiert ainsi, le 21 octobre 2004, l'ouverture d'une information judiciaire contre X, relative aux comptes de Rhodia de 1999 à 2002[1].
À l'origine de la plainte, deux actionnaires déçus de Rhodia : le banquier Édouard Stern, assassiné à son domicile à Genève le 28 février 2005, et le financier Hugues de Lasteyrie décédé le à Paris d'un infarctus foudroyant[2],[3]. Hugues de Lasteyrie, qui avait dénoncé à l'époque une « manœuvre grossière », soupçonne Aventis, la société née de la fusion entre Rhône-Poulenc et Hoechst, d'avoir dissimulé la situation réelle de l'entreprise au moment de sa vente[4],[5]. Les deux hommes ont déposé chacun de leur côté une plainte contre X, la première datant de mai 2003 auprès du tribunal de grande instance de Nanterre[1].
Au moment de sa filialisation, Rhodia a reçu un certain nombre de passifs qui n'étaient pas provisionnés de façon suffisante dans les comptes, notamment des sites industriels à dépolluer, ainsi que les retraites de certains salariés[6].
Les soupçons portent en particulier sur l'acquisition en 1999 de la société britanniqueAlbright & Wilson : celle-ci aurait été achetée malgré des pertes cachées afin de doper le cours de l'action Rhodia au moment où Aventis l'a placée sur le marché[7].
En , Daniel Lebard est nommé PDG d'Albright & Wilson. Il est chargé de gérer la société britannique pour quelques mois en toute indépendance par rapport à Rhodia et Rhône-Poulenc pendant sa phase finale d'acquisition et le temps d'obtenir les autorisations administratives nécessaires. Réclamant une rémunération de l'ordre de 100 millions de francs pour cette responsabilité, il est limogé à ce moment[8]. Dès lors il ne cesse d'interroger ces deux sociétés sur la sincérité des prospectus présentés aux marchés. Il demande alors à la Supreme Court of the State of New York de se pencher sur des manœuvres éventuelles de Rhône-Poulenc, Rhodia et d'autres afin de tromper, avec le rachat de Albright & Wilson, les actionnaires de Rhodia au profit de Rhône-Poulenc. Suivant les plaidoiries de défense de Rhodia, la Cour avait alors jugé que le cas ne relevait pas de la juridiction de l'État de New York et l'affaire n'avait jamais été jugée sur le fond[9],[10].
L'instruction française de l'affaire est relayée par les résultats d'une analyse de l'Autorité des marchés financiers (AMF) qui conclut à des irrégularités comptables entre 2000 et 2003[11]. En juin 2007, l'AMF inflige une amende de 750 000 euros à Rhodia et de 500 000 euros à son ancien PDG Jean-Pierre Tirouflet[12].
Le 27 juin 2008, ce dernier est mis en examen par les juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons, à la suite de la plainte contre X... déposée en 2004 par Hugues de Lasteyrie et Edouard Stern. Jean-Pierre Tirouflet est accusé de « diffusion d'informations fausses ou mensongères sur la situation d'un émetteur coté sur un marché réglementé, délit d'initié et recel de délit d'initié ». Ce dernier accuse Daniel Lebard de tenir des propos « mensongers » parce qu'il n'accepte pas le fait qu'on lui ait refusé des rémunérations « extravagantes » quand il dirigeait Albright & Wilson pour le compte de Rhodia[12].
En octobre 2008 sort le livre de Daniel Lebard, L'Affaire : L'histoire du plus grand scandale financier français, dans lequel il accuse l’Autorité des marchés financiers d’avoir nié l'implication de grands noms comme l'ancien patron de Rhône-Poulenc, Jean-René Fourtou, ou bien l'ancien administrateur de Rhodia, Thierry Breton[13]. En 2010, Thierry Breton obtient la condamnation pour diffamation de Daniel Lebard, l'auteur du livre sur l'affaire Rhodia[14].
Un non-lieu est finalement rendu en octobre 2015 par la juge Claire Thépaut qui considère qu'il est impossible de poursuivre deux fois pour les mêmes faits[15]. Un non-lieu est aussi rendu concernant les conditions de départ de Jean-Pierre Tirouflet en 2003 qui avait bénéficié d’une indemnité de départ de 2,1 millions d’euros et de 5,3 millions d’euros de retraite complémentaire[15].
Association de Thierry Breton à l'affaire
Thierry Breton est l'un des administrateurs de Rhodia entre 1998 et 2002[16]. Il est également président du comité d'audit du conseil d'administration, comité n'ayant pas de responsabilité juridique propre ou différenciée par rapport au conseil d'administration, contrairement à ce que les plaignants n'ont eu de cesse d'« insinuer » dès lors que Thierry Breton est devenu ministre en 2005, « tentant d'utiliser la notoriété de ce dernier pour donner du relief à leurs griefs ».
Thierry Breton déclare en juin 2005 n'avoir « rien à voir et encore moins à se reprocher » dans l'affaire Rhodia[17]. Ses déclarations présentent Edouard Stern et Hughes de Lasteyrie, les deux actionnaires minoritaires qui ont engagé une action contre Rhodia, comme « des financiers internationaux dont la spécialité est d'entrer dans le capital de sociétés en difficulté et d'en tirer le maximum de profits » suscite la réaction des plaignants[18]. La famille du banquier Édouard Stern se dit en effet « indignée » par les déclarations du ministre. « Ramener l'investissement dans une société à une action de pillage est insupportable. Doit-on rappeler que, dans l'affaire Rhodia, Édouard Stern a perdu 78 millions d'euros quand M. Breton, lui, dans le même temps, en gagnait 3 dans cette société ? », déclare Karel Van Riel, responsable du fonds d'investissement IRR, une des sociétés d'Édouard Stern[18].
Cette assertion est ensuite catégoriquement démentie par Thierry Breton tant sur la forme, celui-ci réfutant totalement le vocable de « pillage » qui lui est attribué, que sur le fond, le ministre rappelant en particulier que n'ayant jamais été salarié de Rhodia, il n'a jamais « gagné 3 millions dans cette société »[19].
Interrogation au Parlement européen
L'eurodéputé vert français Alain Lipietz, lors de la remise de son Rapport sur la politique de la concurrence en 2004 au Parlement européen, demande une commission d'enquête sur l'attitude de la Commission européenne dans cette affaire[20]. Le rapporteur demande à la Commission européenne d'expliquer pourquoi la direction de la concurrence de la Commission n'a pas respecté le Règlement spécifique de la Concurrence en ne relevant pas le manque de viabilité de Rhodia pendant qu'elle était sous sa surveillance et l'accuse, entre autres, d'avoir fourni à Aventis trois autorisations dans des conditions litigieuses voire illégales ayant contribué à faciliter une manipulation des marchés.
Chronologie de l'affaire
date
évènement
Cours approximatif de l'action Rhodia (Paris)
Rhône Poulenc filialise son pôle chimie qui devient Rhodia et fusionne avec Hoechst pour devenir Aventis[21]
Autorisation a priori du rachat de A&W par la commission européenne (décision 1517), autorisation également de la fusion Rhone-Poulenc/Hoechst en échange de la séparation de RP et Rhodia (décision 1378)
20 €
Rhodia certifie dans son document 20-F 1998 du que Rhodia rachèterait peut-être A&W à prix de marché
21 €
Restitution de lignes de crédit à Aventis par Rhodia
19 €
Mise sur le marché de 40 % de Rhodia par Aventis
17,50 €
Rachat définitif de Albright & Wilson, au prix convenu à l'avance (qui n'était donc pas le prix de marché), contrairement à ce qui était certifié dans le document SEC du
18 €
Dissimulation dans document SEC sur les comptes 2000 du Rhodia du du fait que l'acquisition de A&W a été effectuée à prix convenu
Cas unique de modification par la Commission européenne de sa décision 1378 d' en ce qui concerne la vente de Rhodia par Aventis[26]
3 €
Dépôt de plainte contre X par Hugues de Lasteyrie[27]
1,50 €
Ouverture de l'instruction judiciaire pour « présentation de comptes inexacts, diffusion d'informations boursières fausses et mensongères, délit d'initié et recel de délit d'initié »[1]
↑L'Usine Nouvelle, « Juridique : Hugues de Lasteyrie vise Sanofi-Aventis », L'usine nouvelle, (lire en ligne, consulté le )
↑Réponses aux questions écrites, Assemblée générale mixte de Rhodia, 23 juin 2005, 15 pages (réponses faites en application des dispositions de l’article L. 225-108 alinéa 3 du Code de commerce, qui impose au Conseil d’Administration de répondre - au cours de l’Assemblée - aux questions écrites déposées par les actionnaires)