Beaufortain est un adjectif dérivant du toponymeBeaufort, composé de « beau » et « fort », soit un « endroit fortifié »[1].
La petite région est appelée également pays de Beaufort[2], plus rarement Beaufortin[3]. Correspondant au bassin versant du Doron, elle porte également le nom de vallée du Doron ou parfois de vallée de Luce[1]. Luce, nom d'une villa romaine, passé à la paroisse, avant de devenir Beaufort en 1225[1],[4].
La superficie de la région est estimée à environ 27 427 ha[2]. Elle correspond au bassin hydrographique de la vallée du Doron dit de Beaufort et de ses affluents[2].
L'ensemble, faiblement individualisé, est limité[2] :
Le Beaufortain est caractérisé par la confluence en son centre du Doron de Beaufort, du Poncellamont, son affluent en rive gauche, et du Dorinet, son affluent en rive droite. Ces trois composantes ont le même régime hydrologique d'une montagne de moyenne altitude, avec un débit maximum en juillet lors de la fonte des dernières neiges.
Histoire
Période antique
Durant l'Antiquité, le Beaufortain est occupé, tout comme le Haut-Faucigny et la haute vallée de la Tarentaise, par le peuple Ceutrons[6], contrôlant les principaux cols alpins entre la péninsule italienne et la Gaule. Vers 20 av. J.-C., les Ceutrons sont dominés par les Romains[7]. La Centronie devient, à la suite de la conquête par Rome, la province des Alpes Grecques, puis Alpes grées, avec Axima (Aime) pour capitale. La vallée se trouvant en dehors des grands axes de communication de l'Empire romain, peu de traces ont été retrouvées[6].
Période médiévale
Du Xe siècle au XIe siècle, le Beaufortain appartient au royaume de Bourgogne. Des sires de Beaufort apparaissent vers la fin Xe siècle et semblent contrôler la vallée.
Le tourisme se développe au début du XXe siècle. En 1912, on compte sept hôtels[12], notamment à Beaufort avec les hôtels du Cheval Blanc, de l'Étoile, de la Poste et du Mont-Blanc[13]. Le ski est pratiqué sur les pentes du massif dès 1914[12]. Dix ans plus tard, plusieurs compétitions de ski se déroulent à Arêches, Beaufort et Hauteluce[12].
Aménagements hydroélectriques
Étapes de l'aménagement hydroélectrique du Beaufortain[14].
L’histoire de l’aménagement hydroélectrique est caractérisée par deux phases successives répondant à des attentes opposées de la part de ses initiateurs. Jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, cet équipement a été à l’initiative des pionniers de la houille blanche en quête d’énergie bon marché et renouvelable à volonté pour l’approvisionnement énergétique de leurs établissements industriels alpins. À partir de 1946, quand EDF nouvellement créée est chargée de l’aménagement intégral du bassin versant de l’Isère, c’est au service du réseau national interconnecté. Alors est créée avec de puissants moyens financiers la retenue de Roselend au cœur du Beaufortain. Mais celle-ci est alimentée pour partie par des captages en haute Tarentaise et ses eaux sont turbinées dans la centrale de La Bâthie, en basse Tarentaise. Cet ensemble peut donc être rattaché à l’aménagement hydroélectrique de la Tarentaise. Les aménagements de la période pionnière constituent une chaîne ininterrompue du lac de la Girotte au confluent de l’Arly[15].
Le papetier Aubry avait installé sa papeterie à Venthon. Il a rapidement cédé la place à Paul Girod qui reste dans l’histoire comme un des fondateurs de l’électrométallurgie et qui finira par préférer le site d’Ugine pour profiter également des ressources énergétiques de l’Arly. Leur attention a été immédiatement retenue par l’existence du réservoir naturel à haute altitude qu’était le lac glaciaire de la Girotte : c’était la promesse d’une alimentation régularisée tout au long de l’année alors que bien des établissements industriels étaient contraints d’adopter un rythme de fonctionnement saisonnier à cause des faibles débits hivernaux des cours d’eau alpestres[16].
Notre époque reste largement tributaire de cette époque pionnière sous la forme de la chaîne de centrales qui se succèdent de manière ininterrompue du lac de la Girotte jusqu’au confluent, à Venthon, du doron de Beaufort et de l’Arly. De la période pionnière (avant 1920) datent les centrales situées à l’aval : Venthon (1899), Roengers (1919) et Queige (1909). La chaîne a été complétée entre les deux Guerres mondiales par les centrales de Villard (1929), de Beaufort (1922), d’Hauteluce (1932) et de Belleville (1923), au pied du lac de la Girotte.
Caractéristiques actuelles des centrales hydroélectriques en 2018[17],[Note 1]
Centrale
Mise en service (année)
Bassin-versant (km²)
Chute (m)
Débit (m³/s)
Puissance installée (MW)
Productibilité (GWh)
Photo
La Girotte
1962
29,5
182
7
8,5
14,5
Belleville
1923
35,9
541
9,7
40,6
70
Hauteluce
1964
60,1
178
10,6
14,8
35,5
Beaufort
1922
106,8
282
11,1
23,2
95,0
Villard
1929
118,4
120
9,8
8,4
41,0
Queige
1909
179,6
101
12,5
8,7
47,5
Roengers
1919
200,1
79
10,7
6,0
37,5
Venthon
1951
210,7
104
13,2
9,0
50,5
Du barrage de la Girotte à la centrale de Belleville, vue d'ensemble.Barrage de la Girotte à voûtes multiples.
Les performances de l’ensemble de la chaîne ont été amplifiées grâce aux travaux entrepris au niveau du lac de la Girotte dès les origines. La méthode la plus simple a consisté à la « mise en perce » de cette réserve naturelle de 30 millions de m3 (1903) à 17 mètres sous le niveau de la nappe puis à moins 45 mètres en 1923 et à moins 80 mètres en 1927. Ensuite est venue l’idée d’accroître les réserves disponibles par des captages en provenance de Plan Jovet, près du col du Bonhomme (1925) et sous le glacier de Tré-la-Tête, dans le massif du Mont-Blanc (1943)[18]. Mais seule la construction d’un barrage était de nature à augmenter très significativement les réserves disponibles. Les grands travaux, commencés en plein conflit mondial (1942) n’ont été terminés sous la conduite d'Albert Caquot qu’en 1949 par l’EDF : la capacité du réservoir à la cote 1753 atteint ainsi près de 50 millions de m3[19]. La forme du barrage, haut de 50 mètres, est, dans son ensemble, concave vers l'aval pour s'adapter à la forme du seuil rocheux. En compensation, chacune des 18 voûtes permet une bonne résistance à la poussée grâce à une double convexité amont, à la fois latérale et dans le sens de la hauteur. À l'énergie produite par la centrale de Belleville située à son pied, il faut ajouter celle de la centrale de la Girotte qui turbine depuis 1962 au niveau du lac sous 182 mètres de chute les eaux provenant des adductions d'amont, dont Tré-la-Tête[20].
Activités
Économie
L'agriculture de montagne se développe sur les versants du massif du Beaufortain. La filière laitière permet la fabrication de 4 900 t de beaufort (AOC/AOP)[21]. La coopérative laitière de Beaufort réalise la production de 30 500 meules par an, en 2015[22]. Son chiffre d'affaires est estimé à 14,7 millions d’euros, en 2015[22].
Le tourisme et des sports d'hiver se développent depuis le début du XXe siècle dans le massif. La capacité d'accueil, par des infrastructures marchandes et non marchandes, pour les quatre communes, est estimée à un peu plus de 33 200 lits, en 2016[24]. La capacité strictement touristiques (marchands) est estimée à environ 8 200 lits[24].
Sport et tourisme
Sports d'hiver
Le Beaufortain possède trois espaces permettant la pratique des sports d'hiver : Arêches, situé sur la commune de Beaufort, Les Saisies, sur les communes d'Hauteluce et de Villard-sur-Doron, relié au grand domaine skiable de Espace Diamant et pour Hauteluce un versant du domaine des Les Contamines.
Chapelle des Curtillets, dédiée aux saintes Brigitte et Marguerite (Beaufort, avant le XIVe siècle), une des plus anciennes du Beaufortain avec un clocher à bulbe, restaurée de 2008 à 2012[28]
Chapelle du Praz, dédiée à sainte Barbe[29] (fermée)
Chapelle de Roselend (1960), en remplacement d'une ancienne chapelle peut être du XIIIe siècle. (fermée)
Chapelle Saint-Sauveur (Le Revers, antérieur en 1732)[30]
Beaufort : Beaubois (en rénovation), la Frasse (ouverte), Bersend (ouverte), Les Villes Dessus (ouverte), Mont (fermée), la Pierre (à rénover)
Arêches : l’Adray (fermée), Boudin (ouverte), haut d'Arêches (partiellement)
Hauteluce : Planay
Queige : Outrechenais, les Roengers, la Poyat, Molliessoulaz, les Pointières
Villard-sur-Doron : ...
Spécialités culinaires
Le Beaufortain possède une filière laitière composée, en 2015, de 398 producteurs (sur 650 agriculteurs) et environ 13 000 vaches, issue des races tarine et/ou d'Abondance[21]. Le beaufort est un fromage cuit à pâte dure, labellisé Appellation d'origine contrôlée depuis 1968, et appellation d'origine protégée (AOP) depuis 2009. On distingue le Beaufort, le Beaufort d'été (fabriqué avec le lait de l'été) et le Beaufort Chalet d'alpage . Il aurait été qualifié de « Prince des gruyères » par Jean Anthelme Brillat-Savarin[31].
Notes et références
Notes
↑Les dates de mise en service de ce tableau tiennent compte des aménagements EDF postérieurs à la création de la centrale. À partir de Beaufort, au bassin versant du Dorinet s'ajoutent ceux du Doron de Beaufort et du Pontcellamont à l'aval des retenues de Roselend, Saint-Guérin et La Gittaz.
↑La capacité en termes de lits touristiques (marchands et non marchands) est exprimée à partir des données du site de l'organisme Savoie-Mont-Blanc. Ces chiffres ne sont qu'une approximation, puisque certaines données sont manquantes[24].
Références
↑ ab et c« Article « Beaufort, Beaufortain » », sur le site Noms de lieux de Suisse romande, Savoie et environs, site personnel de henrysuter.ch (consulté le ).
↑ abc et dLouis Chabert, Jean-Marie Albertini (sous la dir.), Jacques Champ et Pierre Préau, Un siècle d'économie en Savoie, 1900-2000, La Fontaine de Siloé, , 141 p. (ISBN978-2-84206-157-9, lire en ligne), p. 88-91.
↑Laurent Perrillat, Le contrôle des comptes et l’enregistrement à la Chambre des comptes de Genevois, p. 259-275, in Dominique Le Page, Contrôler les finances sous l’Ancien Régime. Regards d’aujourd’hui sur les Chambres des comptes. Colloque des 28, 29 et 30 septembre 2007, Comité pour l'histoire économique et financière de la France, Paris, 2011 (ISBN978-2-11-097514-0)
↑Louis Chabert, Jean-Marie Albertini (sous la dir.), Jacques Champ et Pierre Préau, Un siècle d'économie en Savoie, 1900-2000, La Fontaine de Siloé, , 141 p. (ISBN978-2-84206-157-9, lire en ligne), p. 12.
↑P.C, « Le barrage de la Girotte et la dérivation des eaux du glacier de Tré-la-Tête (Savoie) », Le génie civil, , p. 381-385
↑E. J., « Le barrage de la Girotte (Savoie) », La technique des travaux, , p. 93-103
↑Panneau d'information du public in situ, août 2018
↑ a et b« De l'électricité produite... avec du fromage », Le Parisien, (lire en ligne).
↑ a et bLaurence Veuillen, « La coopérative laitière a investi 2,3 millions d’euros dans de nouvelles caves à beaufort », Le Dauphiné libéré, (lire en ligne).
↑(fr + en) [PDF] Comité d'organisation des XVIes Jeux Olympiques d'hiver et Comité d'Organisation des Jeux Olympiques, Rapport officiel des 16es Jeux Olympiques d'hiver d'Albertville et de la Savoie, Albertville (France) (lire en ligne), p. 366-371.
Association d'Histoire des 4 vallées d'Albertville, 1000 ans d'histoire de la Savoie - Les 4 vallées d'Albertville (Basse-Tarentaise, Beaufortain, Haute-Combe de Savoie et Val d’Arly), Éditions Neva, 2016, 744 pages.
Daniel Dequier, Costumes de Savoie : 2- Tarentaise, Beaufortain et val d'Arly, Montmélian, La Fontaine de Siloé, coll. « Les Savoisiennes », , 184 p. (ISBN978-2-84206-058-9)
Chanoine Joseph Garin (1876-1947), Le Beaufortain : une belle vallée de Savoie : guide historique et touristique illustre, La Fontaine de Siloé (réimpr. 1996) (1re éd. 1939), 287 p. (ISBN978-2-84206-020-6 et 2-84206-020-2, lire en ligne).
Henri Ménabréa, La Savoie - 1 : Au seuil des Alpes de Savoie : Combe de Savoie, Albertville, Conflans, Val d'Arly, Beaufort, Tarentaise, La Fontaine de Siloé, coll. « Les Savoisiennes », (réimpr. 1997), 60 p. (ISBN978-2-84206-069-5)
Hélène Viallet, Les alpages et la vie d´une communauté montagnarde : Beaufort du Moyen Âge au XVIIIe siècle, t. XCIX, Annecy, Académie salésienne, coll. « Mémoires et Documents, Document d'ethnologie régionale n°15 », , 302 p. (lire en ligne)