Richard d'Harcourt, deuxième fils de Robert Ier d'Harcourt et de Colette d'Argouges[3], fonde la commanderie de Saint-Étienne vers 1140[4] ; la construction de la chapelle fait suite à l'héritage reçu après la mort de Robert Ier d'Harcourt[5],[note 2] ; d'après l'abbé Guéry, c'est entre 1140 et 1150 que la commanderie est fondée[6],[7].
Aux alentours de 1147[réf. nécessaire], Richard reçoit en partage la seigneurie de Renneville située à Sainte-Colombe-la-Campagne[note 3]. Il y fait construire une chapelle dédiée à saint Étienne. Il donne son fief, des immeubles lui appartenant et le patronage de Saint-Pierre d'Épreville-près-le-Neubourg à l'ordre du Temple.
XIIIe siècle : essor de la commanderie
La commanderie prend véritablement son essor à la fin du XIIe et au début du XIIIe siècle. En effet, elle multiplie, à cette époque, les acquisitions et reçoit, de la part de nombreux bienfaiteurs, des donations importantes. En voici quelques exemples[3] :
en 1156, Marguerite comtesse de Warwich donne le domaine de Lammadoc ;
en 1180, Guillaume d'Angerville cède la dîme du moulin de Brosville et de celui de l'Ecluse d'Hulne ;
en 1198, Robert de Caudecôte offre le tiers d'un fief à Sémerville en prenant leur habit. En 1232, le reste du fief de Semerville leur est octroyé par Richard de Barengeville ;
en 1200, Robert d'Harcourt donne la maison de "Dieu la Croise" et l'église Saint-Martin au Tilleul-Lambert ;
etc.
Les donations se succèdent et perdurent au cours du XIIIe siècle. À tel point qu'à son apogée, la commanderie de Saint-Étienne-de-Renneville possède neuf fermes, quatre maisons (notamment à Évreux, au Neubourg et à Louviers), de nombreuses églises en patronage et des implantations dans plus de soixante communes environnantes[note 4]. Toutes ses possessions font d'elle l'une des commanderies les plus riches et les plus considérables de Normandie[3].
Toutefois, les nombreuses donations dont elle fait l'objet ne sont pas sans créer des difficultés, notamment avec les seigneurs et les évêques. C'est ainsi que, pour diminuer les richesses de la commanderie, « les Souverains Pontifes, Innocent II, Célestin II, Lucius II, Eugène III, Anastase IV, Adrien IV et Alexandre III, envoient des bulles pour les exempter de toutes dîmes et de toute juridiction épiscopale, les prenant eux et leurs biens sous la protection spéciale du Saint-Siège »[3].
De 1310 à la Révolution, trente et un commandeurs hospitaliers, chevalier de Rhodes puis chevalier de Malte, se succèdent à Renneville. Un grand nombre d’entre eux occupe des rangs importants dans la hiérarchie de l’Ordre. C'est notamment le cas de Claude de La Sengle, quatorzième commandeur de Saint-Étienne-de-Renneville, qui devient grand maître de l’Ordre de 1554 à 1557.
Sous la Révolution, la commanderie et ses domaines sont vendus comme biens nationaux.
Époque contemporaine
Le lieu a fait l'objet d'une entière restauration. Sous le nom de « la Grange de Renneville », il accueille des événements tels que mariage, banquet, séminaire, exposition, etc.
Liste des commandeurs
Les noms des commandeurs templiers qui se sont succédé depuis la création de la commanderie jusqu'au début du XIVe siècle ne sont pas connus. Ce n'est qu'à partir de l'arrivée des Hospitaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem que les commandeurs sont parfaitement identifiés et ce, jusqu'à la Révolution française.
Commandeurs de l'ordre du Temple
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Commandeurs de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem établi dans l'île de Rhodes
Nom du commandeur
Dates
François Richard de la Salle
1310-1340
Saint Simon Clinet
1340-1345
Pierre Dufour
1345-1358
Guillaume du Chesne
1358-1391
Pierre de Pacy
1391-1408
Louis de Mauregard
1408-1416
Gauthier Le Gras
1416-1422
Matthieu Ducresson
1422-1425
Jean le Boutellier
1425-1439
David de Sarcus
1439-1490
Philippe de Mailly
1491-1514
Charles des Ursins
1515-1524
Michel d'Argillemont
1524-1533
Commandeurs de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem établi dans l'île de Malte
Nom du commandeur
Dates
Claude de la Sangle
1533-1553
Christophe de Mont Gauldry
1553-1579
Antoine des Hayes d'Espinay Saint-Luc
1576-1601
Antoine de Mornay-Villarceaux
1602-1609
Gédéon Blondel Joigny de Bellebrune
1610-1619
Guillaume de Meaux Boisboudran
1619-1630
Jean-François de Vion Tessencourt
1630-1649
Jean de Callonne-Courtebonne
1650-1660
Gilbert d'Elbène
1660-1674
Gabriel Dauvet des Marets
1674-1691
François de Noue de Villiers
1692-1698
Gabriel du Chastelet de Fresnières
1699-1711
Louis Feydeau du Vaugien
1711-1721
Alexis d'Allogny de la Groye
1721-1731
Guillaume de la Salle
1731-1740
Claude de Saint-Simon
1740-1766
Jean-Charles de Boisroger de Rupierre
1766-1777
Jean-Charles-Louis de Mesgrigny de Villebertin
1777-1789
Organisation
La maison du régisseur.
Cette commanderie a compté deux chapelles, deux manoirs, la maison du régisseur, la maison du fermier, deux granges, un fournil, un pressoir, un colombier, des poulaillers, des étables, des écuries, des porcheries, des bergeries, un moulin, un puits couvert, un vivier, etc.
un premier enclos correspondant à la cour d'honneur. Cette partie comprenait le logis du commandeur (érigé à la fin du XVe siècle, il fut démoli en 1847). Aux abords de cet édifice, se trouvait la chapelle (existante encore en 1795, mais disparue sur le cadastre de 1811) ;
un second enclos ou basse-cour correspondant à la ferme. Plus vaste, le bâti (grange, bergeries, cellier, pressoir) est massé sur les côtés. La plupart de ces constructions disparaît dans le courant du XIXe siècle. Subsistent, quasi intacts, la grange et le four à pain, la maison du régisseur, tronquée d'un tiers en 1944, et des éléments de la clôture avec le portail.
Les édifices de la cour d’honneur
Le Vieil Harcourt
Cet édifice mesurait environ 11,5 × 8,8 m. Il comportait une « chambre des chevaliers », une « salle du commun » et une « chambre des receveurs », laissant supposer qu'il avait une fonction administrative et judiciaire. Il s’agissait probablement d’une maison forte faisant partie de la donation de Richard d’Harcourt. Cet édifice a disparu entre 1733 et 1747[10].
Le manoir à tourelles
D'abord un manoir, il est remplacé en 1847[11] par un château flanqué par deux tourelles construites de chaque côté de la façade et surmontées de clochetons[3], bâti à la fin du XVe siècle par Philippe de Mailly, le onzième commandeur des hospitaliers. Les chambres des étages étaient décorées de peintures représentant soit des sujets religieux, soit des motifs héraldiques et des arabesques dans le style de la Renaissance. Dans la salle du commandeur, la cheminée portait les armes de Philippe de Mailly[10].
La chapelle
Décrite dans un inventaire de 1779[note 5] comme dédié à saint Étienne, elle contient — en plus de la Sainte Vierge — des peintures de saint Étienne, de saint Jean-Baptiste et de saint-Blaise ; des tombes d'anciens commandeurs sont présentes en bas de l'autel. La chapelle est grande et constituée de 17 croisées avec des vitres peintes, le sol est carrelé et le toit en tuile ; en ardoise pour le clocher[12].
Cette chapelle est connue grâce, en particulier, à deux plans du XVIIIe siècle. Des vues aériennes réalisées par Michel Miguet dans le cadre d'un travail d'archéologie aérienne, permet de distinguer deux états successifs de l'édifice : une chapelle primitive, à trois travées et chevet plat (construite par Richard d'Harcourt) ; puis, au XIIIe siècle, une deuxième, qui englobe la première, à six ou sept travées précédant une abside circulaire ou à cinq pans[13]. Elle a été détruite sous la Révolution[10].
À sa mort, Richard d'Harcourt fut inhumé dans la chapelle. Son gisant y est demeuré longtemps. Mais le docteur Auzoux, propriétaire à la fin du XIXe siècle, l’a emmené avec lui lorsqu'il est parti à Saint-Aubin-d'Écrosville[14], commune voisine de Sainte-Colombe-la-Commanderie. La sculpture a été récupérée à sa mort et a été mise dans l’église de Saint-Aubin-d'Écrosville[15].
Les bâtiments de la ferme
La grange à blé
Elle a également été construite par Philippe de Mailly, dont les armes figurent au-dessus de la porte en anse de panier qui s’ouvre sur le mur gouttereau occidental. Long de 30 m et large de 14 m, ce bâtiment possède une vaste toiture et étayé par des contreforts. À l’intérieur, deux rangées de cinq poteaux divisent l’espace en trois nefs de six travées[10].
Sur l'une des deux portes latérales, celle du midi, il reste en clef de voûte un blason « au chef de la Religion, d'or à 3 maillets de sinople, 2 en chef et un en pointe[16] » correspondant aux armes de Philippe de Mailly, 40e commandeur Saint-Étienne (1492-1512).
La grange à blé
Vue d'ensemble.
Entrée principale.
Porte d'entrée : blason de Philippe de Mailly.
Vue d'une entrée.
Intérieur.
La maison du régisseur
Le fournil.
Cette maison a été construite en 1740 par le vingt-neuvième commandeur, Claude de Saint-Simon. En 1940, un obus a détruit l’écurie attenante[10].
Le fournil
Construit peu de temps après la maison du régisseur, ce bâtiment abrite au rez-de-chaussée deux fours à pain et un four à pâtisserie. A l’étage, se trouve la pièce du boulanger[10].
La commanderie de Saint-Étienne de Renneville est inscrite au titre des monuments historiques par arrêté du [9]. Cette inscription concerne : la grange en totalité ; le fournil en totalité ; les façades et les toitures de la maison du fermier, à l'exclusion du pignon est ; les vestiges subsistants des enclos, connus ou à découvrir, enfouis ou en élévation[9].
Notes et références
Notes
↑« Portion de route à partir de la ferme "Le-Baligand", à hauteur du bois de "Semerville", passant dans le hameau de Renneville ("Raineville") et allant un peu au-delà de "La-Croix-Poulain", à hauteur du hameau "Le-Menilfroid" »[2].
↑À la mort de son père, Richard ayant eu en partage la seigneurie de Renneville, sise à Sainte-Colombe-la-Campagne, au diocèse d'Évreux, y fit construire une chapelle de Saint-Etienne qu'il donna avec le fief aux chevaliers du Temple de Salomon
↑Dans un inventaire conservé aux Archives départementales de l'Eure (cote:GH1693-1694), 60 membres sont dénombrés. En voici la liste : Acquigny, Allenou, Amfreville-sur-Iton, Angerville, Bailly, Barquet, Beaulieu, Beaumont-le-Roger, Beaumontel, Bérengeville, Bernay, Bosc-Hubert, Bosc-Roger, Bray, Breteuil, Brettemare, Brosville, Buisson-Duret, Cahagnes, Caillouet, Chantereine, Chapelle-Martel, Chapelle Notre-Dame de Liesse, Chapelle Sainte-Suzanne, Claville, Conciles, Coudray-en-Auge, Courbépine, Cresches, Dieu-l'Acroisse, Émanville, Épréville-près-le-Neubourg, Évreux, Ferrières, Feuguerolles, Folleville, Le Framboisier, Glisolles, La Gouberge, La Griserie, Groslay, La Herpinière, La Hunière, Iville, Longueville, Marbeuf, Malassis, Manthelon, Mesnil-Broquet, Mesnil-Fouquoin, Mesnil-Froid, Mesnil-Gilbert, Moulineaux, Le Neubourg, Neuf-Moulins, Neuville, Orgeval, Ormes, Plessis-Mahiet, Poudrier, Pommeret, La Puthenaye, Quittebeuf, Rublemont, Roncheville, Sacquenville, Saint-Aquilin, Sainte-Colombe-la-Campagne, Saint-Étienne-de-Renneville (chef-lieu), Saint-Léger-l'Hospitalier, Saint-Meslain-du-Bosc, Saint-Ouen, Salle-Coquerel, Sémerville, Thibouville, Thuit-Signol, Tilleul-Lambert, Tourneville, Tremblay-Osmonville, Tourville-la-Campagne, La Vacherie, Verneuil et Villez-sur-le-Neubourg.
↑Inventaire de la commanderie de Saint-Estienne fait en 1779 par Gabriel Louis Texier d'Hautefeuille, chevalier profès de l'ordre, commandeur de Laon (Archives nationales S. 4998B).
↑André Davy, Les barons du Cotentin, Condé-sur-Noireau, Éditions Eurocibles, coll. « Inédits et introuvables du patrimoine Normand », , 319 p. (ISBN978-2-91454-196-1), p. 64.
Jean-Luc Aubardier et Michel Binet, Les sites Templiers de France, Ouest-France, , 160 p. (ISBN978-2-7373-2212-9)
Paul Christophe et Francis Frost, Les conciles œcuméniques II : le second millénaire, Desclée, , 280 p. (lire en ligne), p. 104
Annie Étienne, Pascal Eudier, Jean-Noël Leborgne, Véronique Leborgne et Charles Leva, « Archéologie aérienne dans l'Eure », Revue archéologique de Picardie, vol. 17. Actes du colloque international d'archéologie aérienne Amiens, 15 - 18 octobre 1992. Hommage à Roger Agache pour 35 ans de prospections aériennes dans le Nord de la France, (lire en ligne, consulté le )
Charles Guéry, La Commanderie de Saint-Etienne-de-Renneville (Eure), Évreux, Impr. de l'Eure, (lire en ligne)
Michel Miguet, Templiers et Hospitaliers en Normandie, Comité des travaux historiques et scientifiques, Paris, 1995.
Kevin Verger, « À Sainte-Colombe-la-Commanderie, découverte d’une grange mystérieuse », Paris Normandie, (lire en ligne, consulté le )