Le Congrès international antijuif de Dresde (Internationale antijüdische Kongresse zur Dresden) est un congrèsantisémitique qui s'est tenu à Dresde les 11 et .
Initié par l'Allemagne wilhelmienne[1], ce mouvement antisémite moderne se développe également dans les deux empires voisins, la Russie, où éclatent des pogroms, et l'Autriche-Hongrie, où l'agitation antijuive, qui se manifeste avec violence lors de l'affaire de Tiszaeszlár, a pour principaux animateurs les députés hongrois Győző Istóczy (en) et Géza Ónody (d). Ces troubles entraînent une émigration massive des Juifs vers l'Ouest, et notamment vers l'Allemagne, où la xénophobie à l'encontre de ces migrants alimente l'antisémitisme extrémiste, qui reste cependant minoritaire[1].
Organisation, déroulement et résolutions
C'est dans ce contexte que le congrès de Dresde est annoncé en juin 1882[5]. Il est organisé par les membres du Deutscher Reformverein (d) local, une organisation antisémite fondée en 1879 et présidée par Alexander Pinkert, dit Eugen Waldegg, qui en dirige l'organe, le journal Deutsche Reform. Selon le Kreuz-Zeitung, Stoecker compte profiter du congrès faire prévaloir son approche de la question juive sur celle d'Henrici[3]. Réunis préalablement le 22 août, les antisémites berlinois n'ont en effet pas réussi à surmonter leurs divisions avant leur départ pour Dresde[6].
Les journaux libéraux demandent l'interdiction ou, du moins, une surveillance policière étroite de cette manifestation raciste, mais ces exigences se heurtent au droit de réunion, plus large en Saxe qu'en Prusse[7].
Environ 200 personnes, sur 400 inscrites, assistent à l'ouverture du congrès, le 11 septembre[8]. Si la majorité d'entre elles est allemande, on y voit également des Austro-hongrois et peut-être, mais dans une bien moindre mesure et sans délégation officielle, quelques Russes (ou plutôt de jeunes Russes étudiant en Saxe)[6], ce qui suffit à conforter les prétentions internationales des organisateurs. Les réunions ont lieu à la salle Meinholdt puis au Lincke’sches Bad (en)[9]. Afin de présider les débats, les congressistes élisent un Allemand, le Rittmeister Von Bredow, et un Hongrois, le baron Iván von Simonyi (d)[10].
Laissant de côté la question religieuse, Förster, Henrici et Istóczy s'accordent à dénier aux Juifs toute capacité d'assimilation et à leur attribuer « un rôle de parasite et de dissolvant au moyen de l'usure, de l'agiotage et de la presse ». Les divergences apparaissent quant à la « solution » à apporter, les trois derniers orateurs réclamant l'expulsion progressive des juifs, tandis que Stoecker, moins radical, propose plutôt une réduction de leurs droits civiques[10]. Un pasteur nommé Deleroi prend la parole pour proposer que l'on fasse appel aux Britanniques pour accomplir les prophéties bibliques en déportant tous les Juifs en Égypte et en Palestine[10].
Le 12 septembre, à l'issue du congrès, plusieurs textes sont adoptés. Le premier est un manifeste rédigé par Istóczy, qui appelle les gouvernements européens à prendre des mesures contre les juifs et qui recommande la fondation d'une « Alliance chrétienne universelle » en opposition à l'Alliance israélite universelle[11]. Cette dernière proposition fait écho à une idée déjà formulée par Henrici le 18 juillet précédent lors d'un meeting berlinois[12]. Les congressistes adoptent également les huit thèses présentées par Stoecker[13] et quatre autres thèses signées par Friedrich Karl von Fechenbach-Laudenbach et Karl von Thüngen-Rossbach[14].
Ces quatre dernières thèses, proches de la ligne « modérée » incarnée par Stoecker, demandent :
le refus de l'immigration des Juifs, et en particulier de ceux de l'Est ;
une réforme de la législation économique, jugée trop libérale et capitaliste, afin de favoriser les classes productives et de juguler la spéculation ;
l'application du statut d'étranger aux Juifs, qui bénéficieraient ainsi de l'hospitalité du pays mais sans pouvoir y jouir de droits civiques ou y briguer des postes ;
l'exemption de service militaire pour les Juifs, qui devraient alors s'acquitter d'une capitation ou d'une taxe[14].
Suites
De retour en Autriche-Hongrie, Istóczy et Ónody excitent les manifestants antijuifs, qui assaillent le quartier juif de Presbourg (Bratislava) et commettent un véritable pogrom les 27 et 28 septembre 1882[15].
Un second congrès antisémitique a lieu l'année suivante à Chemnitz, mais son écho est moindre.
Rudolf Skalla (ou Szkalla), industriel, président du Österreichischer Reformverein à Iglau (Moravie)[17]
Adolf Stoecker, député au Reichstag et à la Chambre des représentants de Prusse, président du Parti chrétien-social à Berlin[17]
Karl von Thüngen, propriétaire du manoir de Rossbach (aujourd'hui commune de Zeitlofs)[17]
Edmund Winterfeldt, éditeur, membre du Deutscher Reformverein de Breslau[17]
Karl von Zerboni di Sposetti, éditeur, membre du Österreichischer Reformverein de Vienne[17]
Ferdinand Ziegler, industriel, président du Deutscher Reformverein de Breslau[17]
Notes et références
↑ abcd et eHeinrich August Winkler, Histoire de l'Allemagne (XIXe – XXe siècle). Le long chemin vers l'Occident, traduit par Odile Demange, Paris, Fayard, 2005, p. 198-205.
Komitee des Internationalen Antijüdischen Kongresses, Manifest an die Regierungen und Völker der durch das Judenthum gefährdeten christlichen Staaten laut Beschlusses des Ersten Internationalen Antijüdischen Kongresses zu Dresden am 11. und 12. September 1882, Chemnitz, Schmeitzner, 1882, 16 p. (consultable en ligne sur le site de la Bibliothèque d'État et universitaire de Saxe à Dresde ; traduction en anglais par Erwin Fink sur le site German History in Documents and Images (d)).