Le nom des montagnes, des lacs et autres terrains, a souvent des origines en langue locale, le gasconbigourdan :
le mot Néouvielle vient de Nèu vielha, composé de nèu voulant dire « névé, neige », et vielha pour « vieille, ancienne dans le temps ». En effet, les versants nord et ouest du Néouvielle comportaient trois petits glaciers maintenant presque disparus et des névés. La montagne de Nèu Bielhe est un quartier de pâturages d'altitude de Betpouey, dans la vallée de Barèges ;
le lac d'Aubert signifie le lac d'« eau verte » (couleur) ;
le lac dets Coubous vient d'eths coubous, eths désignant l'article défini masculin pluriel « les » et couboùs désignant les endroits où le cours d’eau disparaît avant de resurgir plus loin[5] ;
le lac Nère vient de nère signifiant « noir » , dans le sens eaux sombres car profondes[7].
Au XIXe siècle, l'essor du pyrénéisme apporte des noms officiels à tous ces toponymes en rajoutant des épithètes tels que « pic de » ou « lac de ». Souvent, le toponyme associé ne caractérise pas directement le pic ou le lac, mais un lieu a proximité, comme par exemple :
le pic d'Astazou vient d'Estasou pour « estive provisoire »[8] ;
le pic de Campbieil pour pic de camp vielh ou pic du « champ vieux » (dans le sens pâturage ancien), le Camp Vielh étant un quartier de pâturages de haute montagne de la commune de Gavarnie-Gèdre ;
Un ou deux sommets furent nommés en hommage à des pyrénéistes de cette époque : le pic Ramougn adopte la prononciation locale de « pic de Ramond », en hommage à Louis Ramond de Carbonnières, père du pyrénéisme.
Tout le nord du massif est une zone de montagnes comprises entre 2 000 et 2 700 m d'altitude[9]. La limite avec le massif de l'Arbizon au nord-est n'est pas nette : il n'y a pas de vallée profonde entre les deux massifs et tout le versant ouest de l'Arbizon fait partie de la même unité géologique que le secteur du pic de Néouvielle, faite de roches plutoniques de type granodiorite[3]. C'est dans cette zone de transition au nord-est que se concentre un grand nombre de petits lacs[9].
La zone des « 3 000 », terme pyrénéiste pour désigner les sommets de plus de 3 000 m d'altitude, se trouve exclusivement au sud, à partir du pic de Néouvielle[9].
Principaux sommets
Les « 3 000 » sont eux-mêmes répartis en deux groupes :
Ces lacs sont alimentés par un réseau de petites rivières issues des cirques glaciaires. Les petits lacs sont d'un intérêt écologique important concernant la flore et la faune aquatique de montagne, et sont étudiés scientifiquement par la station biologique du lac d'Orédon comme le lac de Port-Bielh.
La zone nord-est du massif, du pic Long jusqu'au massif de l'Arbizon (et englobant la réserve naturelle nationale du Néouvielle), est située sur un pluton formé de granodiorites et de granitescalco-alcalins à biotite[3]. Ce pluton fait 98 km2 et s'est formé au Carbonifère il y a −300 Ma, à l'occasion d'une intrusion magmatique lors de la formation de la chaîne varisque[10]. La poche magmatique formée en profondeur, dans la racine de la chaîne varisque, se refroidit alors très lentement durant des milliers d'années. De -260 à -100 millions d'années, de la fin du Permien au milieu du Crétacé, l'ouverture de l'océan Neo-Thétis et de l'océan Atlantiqueérode fortement la chaîne varisque jusqu'à son socle, si bien qu'il ne reste plus qu'à la fin une pénéplaine. On observe alors un affleurement progressif du socle granitique[10].
À partir de −100 Ma au Crétacé, la remontée de la plaque africaine entraîne avec elle la plaque ibérique, qui commence à passer sous la plaque eurasiatique. La collision des croûtes situées sur ces plaques engendre une montée en altitude des roches, c'est la phase de soulèvement des Pyrénées vers −40 Ma à l'Éocène[11].
Toutefois, les caractéristiques actuelles du relief sont dues à l'érosion au cours des derniers 5 millions d'années : l'alternance de périodes de refroidissement et réchauffement creuse les roches sédimentaires assez profondément pour laisser apparaître le pluton au nord-est du massif. Au cours du Pliocène et Pléistocène, de −5 Ma à −10 000 ans, de nombreux glaciers sont à l'origine des cirques glaciaires et des vallées glaciaires. Dans la nappe de Gavarnie de nature sédimentaire, les glaciers creusent de profondes vallées comme la vallée d'Aure au sud-est ou les vallées de l'ouest vers Gavarnie-Gèdre. Dans les roches granitiques plus résistantes, on voit apparaître de petits cirques et de petites vallées glaciaires, permettant durant l'Holocène, à partir de −10 000 ans, la formation des nombreux lacs glaciaires[12].
Climat
Le massif du Néouvielle possède un microclimat car situé à l'abri de crêtes partant du pic de la Munia, en passant par celles du Néouvielle, jusqu'à l'Arbizon[12]. De plus, l'exposition générale du massif étant orientée au sud, la résultante de ces caractéristiques donne un microclimat plus chaud et plus sec que les autres hauts massifs environnants, ce qui induit le relèvement en altitude des zones de vie de nombreuses espèces de montagne. Ainsi les forêts de pin à crochets atteignent des records d'altitude (jusqu'à 2 600 m) et le crapaud accoucheur peut vivre jusqu'à 2 400 m[12].
Ce climat ralentit aussi la décomposition du bois, ce qui laisse par endroits un paysage naturel d'arbres morts, et fait prospérer les insectes xylophages[12].
Faune et flore
Les anciens glaciers ayant abrasé un socle granitique dur, le massif a la particularité d'être lacustre, comptant 70 lacs et laquets, avec tout un réseau de petites rivières et vallées. De plus, grâce à son microclimat chaud et sec, cela engendre un environnement propice à la vie en altitude : on recense une flore très diversifiée avec 1 250 plantes vasculaires dont une vingtaine d'espèces très rares[12], 571 espèces d'algues différentes[12],[13], ainsi que 370 espèces animales rien que dans la réserve naturelle nationale du Néouvielle, notamment des espèces endémiques comme le Desman des Pyrénées[13].
On retrouve des pins à crochets (Pinus mugo) à 2 600 mètres d'altitude, la digitale pourpre (Digitalis purpurea) jusqu'à 1 815 mètres sur les berges du lac de l'Oule, et le crapaud accoucheur (Alytes obstetricans) jusqu'à 2 400 mètres, ce dernier restant à l'état de têtard pendant dix ans.
Les eaux des lacs accueillent de nombreuses truites fario, et les environs des lacs sont caractéristiques de la biocénose pyrénéenne, avec des forêts de pins sylvestres (Pinus sylvestris) et des pins à crochets, ainsi que des landes de rhododendrons comme le rhododendron ferrugineux (Rhododendron ferrugineum), et des mousses comme la sphaigne (Sphagnum) au bord des lacs. Ces forêts et pelouses sont le refuge du grand Tétras (Tetrao urogallus) et d'une multitude de passereaux, tels le rougequeue noir (Phoenicurus ochruros), le venturon montagnard (Carduelis citrinella), le Bec-croisé des sapins (Loxia curvirostra) , ou encore des pipits de la famille des Motacillidae. Sur les flancs de montagnes se trouvent des marmottes (Marmota marmota), isards (Rupicapra pyrenaica), et des grands rapaces tels le gypaète barbu (Gypaetus barbatus), le vautour fauve (Gyps fulvus) et le vautour percnoptère (Neophron percnopterus)[12].
La flore aquatique, comme au lac de Port-Bielh, abrite de nombreuses microalgues monocellulaires mais aussi un importante communauté algale benthique (algues croissant sur le fond ou près du fond)[14]. On note ainsi la présence de la Nitelle flexible (Nitella flexilis)[14]. Quant à la faune aquatique, elle comprend notamment des cladocères, des crustacés et des larves d'insectes[15].
Les lacs d'origine glaciaire du massif du Néouvielle (Aubert, Aumar, Cap de Long, Orédon, l'Oule, etc.) furent surélevés à partir de la fin du XIXe siècle, puis réaménagés récemment, et fournissent de l'eau potable au piémont pyrénéen ainsi que de l'énergie électrique. En effet, des barrages de retenue sont créés sur ces lacs (sauf pour Aumar qui possède une digue de terre) dès 1882 pour des besoins de production d'hydroélectricité.
La route des lacs, ouverte en 1972, permet de monter jusqu'à 2 200 mètres d'altitude, sur les rives des lacs d'Aumar et d'Aubert. Il avait été envisagé de prolonger cette route jusqu'à Barèges, rejoignant la route montant au col du Tourmalet au niveau de pont de la Gaubie, traversant ainsi le massif du Néouvielle[16]. Cependant depuis 1994, l'accès des véhicules à moteur est restreint à partir du lac d'Orédon, ceci afin de préserver le milieu naturel situé dans la réserve naturelle nationale du Néouvielle[17]. De jour en période estivale, seuls des bus permettent l'accès motorisé aux lacs en amont[18].
Presque tout le massif fait partie d'une zone protégée : la zone sud du pic Long est incluse dans l'extrémité nord-est du parc national des Pyrénées, tandis que pour une partie de la zone nord-est, à partir du pic de Néouvielle et du lac d'Orédon, a été créée spécialement la réserve naturelle nationale du Néouvielle[9]. En effet, c'est dans cette zone que se trouve le plateau des lacs et la plus grande diversité des espèces, tant végétales qu'animales. D'ailleurs la réserve naturelle est plus ancienne et ses règles sont strictes : [21]. Toutefois, toute la partie nord ne se trouve incluse ni dans le parc ni dans la réserve, mais est classée comme zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1 et de type 2 :
type 1 qualifie des espaces écologiques de grand intérêt fonctionnel et scientifique, ou qui abritent au moins une espèce ou un habitat rare ;
type 2 qualifie de grands ensembles naturels riches, peu modifiés, qui offrent des potentialités biologiques importantes.
La réserve naturelle du Néouvielle est créée en 1935 grâce aux professeurs Clément Bressou et Pierre Chouard[12], en fait une des premières réserves naturelles de France. L'intérêt de cette région était reconnu déjà avant, puisqu'en 1922, un laboratoire de biologie fut construit près du rivage du lac d'Orédon[21]. La réserve est tout d'abord louée par la Société nationale d'acclimatation de France à la commune de Vielle-Aure, même si celle-ci conserve le droit de pâturage et d'exploitation du bois de charpente.
En 1967 est créé le parc national des Pyrénées par le décret no 67-265[20] et s'étire sur 100 kilomètres de long, soit six vallées dans les départements des Pyrénées-Atlantiques et des Hautes-Pyrénées. Sa partie orientale regroupe le massif de la Munia, la haute vallée d'Aure ainsi que le massif du Néouvielle.
La gestion de la réserve est confiée au parc national des Pyrénées en 1968. Aujourd'hui, la vie de celle-ci est administrée par un comité consultatif composé d'élus locaux, services de l'État, associations et personnalités scientifiques[21].
Les variantes et les randonnées sont nombreuses dans le massif du Néouvielle. On peut accéder aux hauts sommets via des « PR » qui partent des vallées ou du GR 10. Faire une boucle autour du Néouvielle est une façon de découvrir le massif, en dormant dans les refuges de la Glère (2 150 m), d'Orédon (1 852 m), Bastan (2 215 m) et Campana (2 225 m).
Économie
Les basses montagnes et vallées de l'ouest sont des estives d'été pour le cheptel bovin des communes de Luz-Saint-Sauveur et Gavarnie-Gèdre. La zone de la réserve naturelle nationale du Néouvielle est assez touristique, surtout les lacs d'Aubert et d'Aumar accessibles par la route en bus[18], et on compte de nombreux refuges comme ceux de la Glère, de Packe, du Bastan, de Campana, et le chalet-hôtel d'Orédon[9].
↑Michel Grosclaude et Jean-François Le Nail, Dictionnaire toponymique des communes des Hautes Pyrénées intégrant les travaux de Jacques Boisgontier, Conseil Général des Hautes Pyrénées, .
↑Marcellin Bérot, La vie des hommes de la montagne dans les Pyrénées racontée par la toponymie, Toulouse/Tarbes, Centre régional des lettres de Midi-Pyrénées, Milan, parc national des Pyrénées, , 388 p. (ISBN2-84113-736-8).
↑« La route des lacs et du Néouvielle », Pyrénées : organe officiel du Musée pyrénéen du Château-fort de Lourdes, de la Fédération franco-espagnole des sociétés pyrénéistes, du G.P.H.M., Société des amis du Musée pyrénéen, , p. 133-136 (lire en ligne).
↑ France. « Décret n°94-192 du 4 mars 1994 portant création de la réserve naturelle du Néouvielle (Hautes-Pyrénées) », art. 19 [lire en ligne].
↑ a et b France, Hautes-Pyrénées. « Arrêté permanent portant réglementation, à titre dérogatoire, du stationnement et de la circulation des véhicules à moteurs sur la route départementale n°177 dans la Réserve Naturelle du Néouvielle », 2012178-0003 [lire en ligne].
↑« Pour préserver le Néouvielle, France Nature Environnement fait dérouter le Grand Raid des Pyrénées », France 3 Occitanie, (lire en ligne, consulté le ).