Elle est éditée par la maison d'édition du même nom[1], fondée en 1949, et une librairie située dans le Quartier latin à Paris, au 25 bis, rue des Écoles. La maison d'édition Présence Africaine est dirigée par la veuve du fondateur, Christiane Diop, puis par la fille du fondateur, Suzanne Diop.
Origines
La naissance de la revue s'inscrit dans la mouvance du panafricanisme dont les idées s'expriment depuis le début du XXe siècle, notamment lors de plusieurs congrès, comme celui de Paris en 1919, organisé par W. E. B. Du Bois soutenu par Blaise Diagne. Les intellectuels sont aussi marqués par le surréalisme et le marxisme. En 1936, le Front populaire confronte les Africains vivant en France au monde syndical et politique et cette dynamique trouve un écho notamment au Sénégal. Enfin, la liberté retrouvée à l'issue de la Seconde Guerre mondiale soulève désormais avec acuité la question de la souveraineté des peuples et des cultures à l'échelle mondiale, et notamment en Afrique. Petit à petit, des périodiques donnent la parole aux Noirs, tels que La Revue du Monde Noir, Légitime Défense, L'Étudiant noir ou Tropiques, éditée par Aimé Césaire au début des années 1940.
Le rayonnement de la revue et de la maison d'édition
Dans le premier numéro – contenant un avant-propos d'André Gide – Alioune Diop déclare que « la revue ne se place sous l'obédience d'aucune idéologie ou politique. Elle veut s'ouvrir à la collaboration de tous les hommes de bonne volonté (Blancs, Jaunes ou Noirs), susceptibles de [les] aider à définir l'originalité africaine et de hâter son insertion dans le monde moderne ».
La revue rencontre le succès et, dès 1949, la maison d'édition du même nom est créée. Le premier titre publié est l'ouvrage – controversé[4] – du missionnaire belge Placide Tempels (1906-1977), La Philosophie bantoue[2],[5]. L'année suivante, en 1950, Alioune Diop accepte d'éditer un manuscrit de Joseph Zobel, refusé par les éditions Albin Michel en raison de l'usage de tournures inspirées du créole dans le texte. C'est le roman La Rue Cases-Nègres, bien accueilli en France et sur le continent africain. Joseph Zobel y met à profit ses souvenirs d'enfance. Il recourt dans cette œuvre à un duo idéal : l’enfant, qui n'a pas encore une grande expérience du monde, et la grand-mère, expérimentée mais qui tente d'adoucir les angles (lui-même a été en partie élevé par sa grand-mère). Le résultat est un témoignage, très rare à l'époque, sur la communauté noire antillaise[6].
Pendant les années 1950 et 1960, la revue milite activement en faveur de l'émergence d'une culture africaine indépendante. Véritable moteur intellectuel, elle offre une tribune de choix aux figures montantes du monde littéraire et politique. Les mentalités devancent ainsi les décisions politiques dans l'accession à l'indépendance.
La librairie ouverte par Présence Africaine dans le Quartier latin est visé par un attentat de l'OAS en 1962[8].
Dans un Sénégal désormais indépendant, Alioune Diop et son équipe organisent avec Léopold Sédar Senghor le premier Festival mondial des arts nègres à Dakar, inauguré en 1966[2].
Après la mort d'Alioune Diop en 1980, sa veuve Christiane Mame Yandé Diop reprend le flambeau, aidée par leur fille Suzanne. Le 50e anniversaire de la revue est célébré par un colloque organisé au siège de l'Unesco à Paris du 3 au . Du 19 au , la Communauté africaine de culture, ONG succédant à la Société africaine de culture, présidée par le prix NobelWole Soyinka, a organisé le cinquantenaire du premier Congrès des écrivains et artistes noirs à la Sorbonne et à l'Unesco.
Christiane Diop reçoit la décoration de chevalier de la Légion d'Honneur, remise au palais de l'Élysée, le .
Fin 2009, on dénombre près de 300 numéros de la revue et environ 400 ouvrages parus[9].
Du au , le musée du Quai Branly accueille une exposition thématique autour de la revue Présence Africaine[10] dans le cadre des célébrations du centenaire de la naissance de son fondateur Alioune Diop[11].
Le 2 novembre 2019, dans les locaux de l'Organisation International de la Francophonie, Christiane a reçu la décoration de Grand-Croix de l'Ordre national du Lion des mains de M.Macky SALL, Président de la République du Sénégal.
Christiane Diop reçoit la décoration d'officier de la Légion d'Honneur le 18 octobre 2021 à l'Hôtel de Ville, en présence de George Pau-Langevin, ancienne Ministre et ancienne Députée de Paris.
↑Sarah Frioux-Salgas, Dossier d'exposition. Présence africaine. Une tribune, un mouvement, un réseau, (lire en ligne)
Voir aussi
Bibliographie
(en) Bennetta Jules-Rosette, Black Paris: The African Writer’s Landscape, Chicago, University of Illinois Press, 1998
(en) Marga Graf, « Roots of Identity: The National and Cultural Self in Présence Africaine », Comparative Literature and Culture, , 3(2)
(en) Salah D. Hassan, « Inaugural Issues: the cultural politics of the early Présence Africaine », Research in African Literatures, 30:2, été 1999, p. 194-221
(en) Valentin-Y. Mudimbe (sous la direction de), The Surreptitious Speech: Présence Africaine and the Politics of Otherness, 1947-1987, Chicago, University of Chicago Press, 1992
Léopold Sédar Senghor et la revue "Présence Africaine", Paris, Présence Africaine, 1996, 250 p. (ISBN2-7087-0621-7) (anthologie)
Jacques Howlett, Index alphabétique des auteurs et index des matières de la revue "Présence Africaine", Paris, Présence Africaine, 1977, 381 p. (ISBN2-7087-0343-9)
Micaela Fenoglio, "Présence Africaine" entre critique et littérature : l'esprit du dialogue, Rome, Bulzoni, 1998
Sarah Frioux-Salgas (dir.), Présence Africaine. Les conditions noires : une généalogie des discours, Gradhiva no 10, Paris, Musée du quai Branly, 2009.[lire en ligne]
Marcella Glisenti (sous la direction de), Hommage à Alioune Diop, fondateur de Présence Africaine, Rome, Éditions des amis italiens de Présence Africaine, 1977
Lilyan Kesteloot, Les Écrivains noirs de langue française : naissance d'une littérature, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, 1965
Diane T. Simard, Théorie et critique littéraires dans la revue "Présence Africaine", Montréal, Université McGill, 1972 (Thèse M.A.)
20e Anniversaire : Mélanges: réflexions d’hommes de culture, Présence Africaine 1947-1967, Paris, Présence Africaine, 1969
30e Anniversaire de Présence Africaine. Hommage à Alioune Diop, Paris, Présence Africaine, 1977
50e anniversaire de Présence Africaine, 1947-1997 : colloque de Dakar, 25-, Paris, Présence Africaine (numéro spécial), 1999, 385 p. (ISBN2-7087-0674-8)
Tshitenge Lubabu M. K., « Soixante ans de Présence », Jeune Afrique, no 2448, du 9 au , p. 106-108