Au cours du processus s, les nucléides subissent une capture neutronique pour former un nucléide contenant un nucléon de plus. Si ce dernier est un isotope stable, une capture neutronique supplémentaire peut générer un isotope encore plus lourd du même élément chimique. Si l'isotope produit est instable, une désintégration β– produit un élément dont le numéro atomique est incrémenté d'une unité. C'est un processus lent, d'où son nom, qui laisse le temps à ces désintégrations de se produire avant la capture du neutron suivant. Une succession de telles réactions produit des isotopes stables le long de la vallée de stabilité des isobares par désintégration β de la carte des nucléides.
Une grande variété de nucléides est produite par le processus s en combinaison avec des désintégrations α le long de la chaîne de réactions. L'abondance relative des éléments et isotopes produits dépend de l'intensité des flux de neutrons et des variations d'intensité de ces flux au cours du temps. Ces chaînes de réactions se terminent avec un cycle impliquant le plomb82Pb, le bismuth83Bi et le polonium84Po.
Le processus r produit des isotopes plus lourds et plus riches en neutrons que ceux produits par le processus s ; ces deux processus expliquent l'essentiel de l'abondance relative des éléments chimiques plus lourds que le fer.
(en) Tableau périodique indiquant l'origine cosmogénique de chaque élément. Les éléments produits par processus s sont essentiellement ceux indiqués en vert (composante principale) et en jaune-orangé.
Processus physique
On considère généralement que le processus s se déroule essentiellement dans les étoiles de la branche asymptotique des géantes à partir des atomes de fer issus de supernovae précédentes. Il se déroule sur des échelles de temps de plusieurs milliers d'années, avec des décennies entre chaque capture neutronique, ce qui est radicalement différent du processus r, qui se déroule en quelques secondes dans des environnements explosifs extrêmement riches en neutrons. La capacité du processus s à produire des éléments plus lourds le long de la vallée de stabilité de la carte des nucléides dépend du flux de neutrons produit par chaque étoile ainsi que du taux de fer de cette dernière.
Les principales sources de neutrons sont les réactions 13C (α, n) 16O et 22Ne (α, n) 25Mg[2] :
Le processus s se compose essentiellement d'une composante principale et d'une composante faible. La composante principale produit les éléments situés au-delà du strontium38Sr et de l'yttrium39Y et jusqu'au plomb82Pb dans les étoiles de faible métallicité. Elle se déroule dans les étoiles de faible masse de la branche asymptotique des géantes[3] à partir de la source de neutrons du carbone 1313C[4]. La composante faible du processus s, en revanche, synthétise les isotopes de la vallée de stabilité depuis le fer 5858Fe jusqu'au strontium38Sr et à l'yttrium39Y et se déroule dans les étoiles massives à la fin des phases de réaction triple alpha et de fusion du carbone à partir de la source de neutrons du néon 2222Ne. Ces étoiles terminent leur existence sous forme de supernovae qui dispersent ces isotopes dans le milieu interstellaire.
Le processus s est parfois approché dans une région de faible masse à l'aide de l’approximation locale, selon laquelle le rapport entre les abondances d'isotopes voisins est inversement proportionnel au rapport des sections efficaces de capture neutronique de ces isotopes. Cette approximation n'est valide que localement dans la vallée de stabilité, c'est-à-dire entre isotopes de nombres de masse voisins, mais ne l'est pas au niveau des nombres magiques, où les abondances relatives varient de manière abrupte.
Le flux de neutrons relativement faible censé se produire au cours des processus s, de l'ordre de 105 à 1011 neutrons/cm2/s, ne permet pas de produire des isotopes radioactifs tels ceux de thorium90Th ou d'uranium92U. Le cycle qui termine le processus s est 209Bi (n, γ) 210Bi (–, β–) 210Po (–, α) 206Pb (3n, –) 209Pb (–, β–) 209Bi :
Le plomb 206 ainsi formé est un isotope stable, qui peut subir à son tour une triple capture neutronique pour donner du bismuth 209 après une désintégration β– :
Les poussières stellaires sont l'un des constituants des poussières cosmiques. Elles se forment par condensation de la matière éjectée par des étoiles ayant explosé. Elles existaient dans le milieu interstellaire de la Voie lactée avant la formation du Système solaire et se sont trouvées piégées dans les météorites formées dans le disque protoplanétaire. Elles peuvent être observées dans les météorites préservées depuis cette époque et sont habituellement désignées sous le terme de grains présolaires. Ceux qui sont constitués de matériaux produits par processus s sont enrichis en carbure de silicium SiC.
↑(en) Amy Bartlett, Joachim Görres, Grant J. Mathews, Kaori Otsuki, Michael Wiescher, Dieter Frekers, Alberto Mengoni et Jeffrey Tostevin, « Two-neutron capture reactions and the r process », Physical Review C, vol. 74, no 1, , article no 015802 (DOI10.1103/PhysRevC.74.015802, Bibcode2006PhRvC..74a5802B, lire en ligne)
↑(en) S. Bisterzo, R. Gallino, F. Käppeler, M. Wiescher, G. Imbriani, O. Straniero, S. Cristallo, J. Görres et R. J. deBoer, « The branchings of the main s-process: their sensitivity to α-induced reactions on 13C and 22Ne and to the uncertainties of the nuclear network », Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, vol. 449, no 1, , p. 506-527 (DOI10.1093/mnras/stv271, Bibcode2015MNRAS.449..506B, arXiv1507.06798, lire en ligne)
↑(en) M. Busso, R. Gallino et G. J. Wasserburg, « Nucleosynthesis in Asymptotic Giant Branch Stars: Relevance for Galactic Enrichment and Solar System Formation », Annual Review of Astronomy and Astrophysics, vol. 37, , p. 239-309 (DOI10.1146/annurev.astro.37.1.239, Bibcode1999ARA&A..37..239B, lire en ligne)