Les disparitions quasi simultanées de Muirchertach et Donnchad laissent le champ libre à de nouveaux compétiteurs. Les Uí Néill du Sud imposent comme successeur à Donnchad Congalach Cnogba du Síl nÁedo Sláine, une dynastie qui avait été également écartée de la compétition au titre d’Ard ri Eernn depuis plusieurs siècles. Congalach est cependant le fils de la sœur de Donnchad. Il a par ailleurs des liens avec la famille de Ruaidrí dont la tante Cainnech ingen Canannáin († 929) avait été sa première épouse.
Biographie
Ruaidrí est un descendant de Flaithbertach mac Loingsig. Il est le petit-fils d'un certain Canannán, mac Flaithbertaich, lui même petit-fils d'Áed Muindearg († 747), dont la base du pouvoir de « rex in Tuaiac » était centrée dans l’actuel comté de Donegal[1]. Il apparaît pour la première fois dans les entrées des annales après la mort de Muirchertach. En 943 il défait à Tracht-Mugha le Cenél nEógain et les Vikings de Lough Foyle, tuant Máel Ruanaid mac Flainn, le cousin et successeur de Muirchertach[2]. La disparition de Máel Ruanaid après celle de Muirchertach, entraîne une éclipse du Cenél nEógain qui laisse Ruaidrí maître du nord lorsque survient de la mort de l'Ard ri Donnchad Donn.
De nombreuses sources indiquent que Conghalach Cnogba devient Ard ri Erenn après Donnchad. Toutefois quelques autres documents laissent entendre que c’est Ruaidrí qui assume le titre d’Ar ri Erenn après Donnchad, parfois seul ou conjointement avec Conghalach :
La « Prophétie de Berchán », un poème du XIe siècle présenté comme une pseudo prophétie; La forme obscure du style retenu par la Prophétie de Berchán permet difficilement d'identifier les personnages évoquées sous forme d’épithète et de surnom plus que de noms. Dans le cas de Ruaidrí ua Canannáin, l’identification est manifeste.
« Après qu’un roi du nord prit la souveraineté…; Rouge (ruad) était le nom de ce roi (rí), il laissa l’Irlande dans l’anxiété[3]… »
Les très anti-Uí Néill Annales de Inisfallen relèvent la mort de «Ruaidri ua Canannáin Ard rí du Cenél Conaill[4] »
Le Cogad Gáedel re Gallaib (Les Guerres des Irlandais contre les Étrangers) une œuvre de propagande rédigée au XIIe siècle à la gloire des descendants de Brian Bóruma le nomme « Ruadri O’Canannan roi de Tir Conaill et roi d’Irlande selon certains autres[5] ».
Les entrées des Annales montrent les deux rois actifs dans le centre de l’Irlande. En 945 les hommes de Ruaidrí sont tués par Congalach allié avec Amlaíb Cuarán, roi de Dublin[6].
En 947 Ruaidrí conduit une armée à Slane dans le Comté de Meath et défait Congalach et Amlaíb[7]. Le Cenél nEógain est également sa cible en 949 lorsque Flaithbertach le fils de Muirchertach est tué[8]. En 950 Ruaidrí ua Canannáin conduit une armée dans le royaume de Mide et il défait Congalach[9].
La même année il mène une campagne de six mois contre Brega le centre du pouvoir de son ennemi. Il installe un campement permanent quelque part entre Donaghpatrick et Kells, et à partir de là il ravage Brega et Meath. L’allié de Congalach Gofraid mac Sitriuc, roi de Dublin intervient mais il est vaincu et perd 6 000 hommes dans le combat parmi lesquels « Imar le Tanist des Étrangers[10] ». Malheureusement dans la chaleur du combat Ruaidrí est tué le , avec son fils Niall. Lors de sa mort il est désigné par les annales irlandaises comme « rígdamna Érenn », c'est-à-direː Héritier de la Souveraineté d’Irlande[11]. Le titre même qui était utilisé pour Muirchertach lors de sa mort en 943.
La Prophétie de Berchán, suit apparemment une version différente et indique que Ruaidrí est tué par un homme du Leinster.
Le règne de Ruaidrí fut l’apogée du pouvoir des Ua Canannáin. Dans les années suivantes plusieurs de ses parents tombent sous les coups de Congalach ou du Cenél nEógain. Leurs disparitions coïncident avec la montée en puissance du pouvoir de leurs parents, le clan Ua Máeldoraidh qui excluront progressivement les Ua Canannáin de la royauté du Cenél Conaill.
Notes et références
↑(en) Bart Jaski, Genealogical tables of medieval Irish royal dynasties, Dublin, Four Courts Press, (ISBN9781846824265), p. 83 Tableau-7. Cenél Conaill