À cette époque, les températures annuelles moyennes dans les Alpes sont plus basses de 10 à 12 °C que les températures actuelles. Le niveau des mers est abaissé du fait de la grande quantité d'eau retenue dans les glaces continentales : il est alors inférieur de 125 mètres au niveau actuel. La poussière atmosphérique est très dense : sa concentration est jusqu'à 20 à 25 fois plus élevée qu'aujourd'hui.
Le Solutréen succède en France et en Espagne au Gravettien. Il est contemporain en France du Protomagdalénien. Il est suivi en Europe de l'Ouest par le Badegoulien, puis par le Magdalénien. En revanche, de l'Italie à l'Ukraine le Gravettien est suivi par l'Épigravettien, et ce jusqu'à l'arrivée du Mésolithique.
Extension géographique
Si le Proto-Solutréen est présent au nord jusqu'en Grande-Bretagne[3] (Gower, Creswell Crags) et en Belgique (Spy), les sites du Solutréen sont principalement connus :
Le Solutréen se définit par un ensemble de technologies et d'outils lithiques nouveaux, avec des types ponctuels lithiques régionalement distincts interprétés comme une adaptation en réponse aux conditions climatiques difficiles et plus généralement comme une rupture des technologies gravettiennes. Le consensus dominant voit la tradition lithique solutréenne enracinée dans les technologies du Gravettien tardif d'Europe occidentale, qui avaient subi une dérive culturelle en raison de l'isolement des autres groupes et de la perturbation des réseaux paneuropéens étendus, de l'adaptation aux conditions climatiques difficiles et à la pression démographique[4].
Les hommes du Solutréen ont fait preuve d'une grande maîtrise des techniques de taille et en particulier du façonnage de pièces bifaciales très fines au percuteur tendre. La finition des outils en silex était assurée par la technique de la retouche couvrante par pression : les éclats de retouche ne sont pas détachés en percutant le silex mais en pressant très fortement son bord avec un outil en os, ce qui autorise une plus grande précision et une plus grande finesse du résultat. Dans certains cas, les silex étaient intentionnellement chauffés avant d'être retouchés afin d'améliorer leurs propriétés mécaniques.
C'est également à cette époque qu'apparaît le traitement par le feu, préalable au débitage et à la taille[5].
Ces techniques ont permis la confection de différents outils : pointes à face plane au Solutréen ancien, pièces bifaciales d'une grande finesse, appelées « feuilles de laurier » au Solutréen moyen, « feuilles de saule » et pointes à cran au Solutréen final. Le reste de l'outillage correspond au fond commun du Paléolithique supérieur : grattoirs, burins, perçoirs, lamelles à dos.
On en trouve des exemples sur le site des Maîtreaux[6], à Bossay-sur-Claise dans le bassin de la Creuse. Le Solutréen ancien à feuilles de laurier et le Solutréen moyen à pointes à cran se présentent en succession sur ce site de plein air[7]. Probable atelier de taille à proximité d'une source de silex de qualité[8], il est considéré comme un site spécialisé complémentaire d'habitats de plus longue durée[7].
Les matières dures animales (os, bois de rennes) sont également couramment utilisées au Solutréen (lissoirs, percuteurs, armatures de sagaies, etc.). Deux inventions majeures semblent apparaitre à la fin du Solutréen, l'aiguille à chas et le propulseur.
Une datation par le carbone 14 sur des déblais du Puits, dans la grotte de Lascaux, tendrait à vieillir les trois datations précédentes (17 000 ans AP), avec un âge estimé à 18 900 ans AP, ce qui attribuerait Lascaux au Solutréen[9]. Cependant, il n'y a aucun objet solutréen dans l'unique couche archéologique de la grotte, mais seulement de très nombreux objets du Magdalénien II.
Population et génétique
L'ascendance trouvée chez les individus associés à la culture aurignacienne précédente d'Europe centrale (ascendance GoyetQ116-1) a donné naissance à des individus associés au Gravettien d'Europe de l'Ouest et du Sud-Ouest. Cette ascendance dérivée - dénommée groupe « Fournol » - a survécu pendant le dernier maximum glaciaire (LGM) chez des individus associés au Solutréen, peut-être dans le refuge climatique franco-cantabrique, conduisant à des populations ultérieures associées à la culture magdalénienne (groupe GoyetQ2 et El Mirón)[10].
Ainsi, le génome provenant d'un individu associé au Solutréen de Cueva del Malalmuerzo ((Moclín, Grenade) daté d'environ 23 000 ans AP montre une ascendance génétique qui relie directement les individus associés à l'Aurignacien avec une ascendance associée au Magdalénien post-LGM en Europe occidentale[4].
Deux archéologues américains, Stanford et Bradley ont trouvé des similitudes entre l'industrie solutréenne et des outils lithiques un peu plus tardifs, trouvés sur plusieurs sites dans l'Est des États-Unis. Ils ont alors suggéré que les solutréens avaient traversé l'océan Atlantique durant le dernier maximum glaciaire en longeant la banquise par cabotage, à l'aide de techniques similaires à celles des Inuits actuels.
L'haplogroupe X de l'ADN mitochondrial, présent en Europe, l'est aussi chez certains peuples amérindiens du Nord-Est du continent américain, suggérant l'existence chez ces derniers d'une possible ascendance européenne. De plus, les ressemblances trouvées par certains linguistes entre le basque, langue pré-indoeuropéenne, et l'algonquin, iraient dans le sens de cette thèse[n 1]. Cette hypothèse reste très controversée et minoritaire[11] devenue célèbre sous le nom de « route d'Urdaneta », en contournant l'anticyclone d'Hawaï[12] différents auteurs considèrant que les similitudes entre pièces bifaciales solutréennes et amérindiennes résultent de convergences morphologiques et techniques[13].
Des études génétiques publiées au cours des années 2000 et 2010 mettent en doute cette hypothèse. Les lignées du Nouveau Monde X2a et X2g ne seraient pas dérivées des lignées de l'Ancien Monde X2b, X2c, X2d, X2e et X2f, mais indiqueraient une origine précoce des lignées du Nouveau Monde, « probablement au tout début de leur expansion et de leur propagation à partir du Proche-Orient »[14],[15]. Une étude de 2008 conclut que la présence de l'haplogroupe X en Amérique ne prouve pas une migration depuis l'Europe de la période solutréenne[16]. La lignée de l'haplogroupe X dans les Amériques ne serait pas dérivée d'un sous-clade européen, mais représenterait plutôt un sous-clade indépendant, appelé X2a. Le sous-clade X2a n'a pas été trouvé en Eurasie et aurait pu émerger au sein de la population paléoindienne, il y a environ 13 000 ans. Une variante basale de X2a a été trouvée dans le fossile de l'Homme de Kennewick (daté d'environ 9 000 ans)[17].
Notes et références
Notes
↑Michel Morvan étudie cette possibilité dans Les origines linguistiques du basque (Presses Universitaires de Bordeaux, 1996, page 102 et suiv.). Cependant, les Algonquins auraient très vite appris la langue des basques venus pêcher la baleine et la morue au xve siècle dans le golfe du Saint-Laurent, et un pidgin se serait formé, le basco-algonquin.
Références
↑[Walter, Almeida & Aubry 2013] Bertrand Walter, Miguel Almeida et Thierry Aubry, « Le façonnage solutréen : des principes techniques aux savoir-faire originaux », Revue archéologique du centre de la France, no 47 (Supplément) « Le Solutréen 40 ans après Smith'66 », , p. 135-142 (lire en ligne [sur persee]), p. 136.
↑Michèle Julien, « Solutréen », sur universalis.fr (consulté en ).
↑[Davies & Charles 2017] William Davies et Ruth Charles, Dorothy Garrod and the progress of the Palaeolithic [« Dorothy Garrods et le progrès du Paléolithique »], Oxbow books, , 282 p. (présentation en ligne), p. 41.
↑[Inizan & Tixier 2000] Marie-Louise Inizan et Jacques Tixier, « L'émergence des arts du feu : le traitement thermique des roches siliceuses », Paléorient, vol. 26, no 2 « La pyrotechnologie à ses débuts. Évolution des premières industries faisant usage du feu », , p. 23-36 (lire en ligne [sur persee]).
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↑[Aubry et al. 1998] Thierry Aubry, Bertrand Walter, Emmanuel Robin, Hugues Plisson et Mohammed Ben-Habdelhadi, « Le site solutréen de plein-air des Maitreaux (Bossay-sur-Claise, Indre-et- Loire) : un faciès original de production lithique », Paléo, vol. 10, no 1, , p. 163–184 (DOI10.3406/pal.1998.1135, lire en ligne [sur persee]).
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↑Carmen Bernand, L'Amérique latine précolombienne : Dernière glaciation - XVIe siècle, Belin, coll. « Mondes anciens », (ISBN2410028365), chap. 1 (« Peuplement américain et temps archaïques »), p. 39.
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"Our results strongly support the hypothesis that haplogroup X, together with the other four main mtDNA haplogroups, was part of the gene pool of a single Native American founding population; therefore they do not support models that propose haplogroup-independent migrations, such as the migration from Europe posed by the Solutrean hypothesis ... Here we show, by using 86 complete mitochondrial genomes, that all Native American haplogroups, including haplogroup X, were part of a single founding population, thereby refuting multiple-migration models."
↑(en) Jennifer Raff(en) et Deborah A Bolnick, « Does Mitochondrial Haplogroup X Indicate Ancient Trans-Atlantic Migration to the Americas? A Critical Re-Evaluation » [sur tandfonline.com], PaleoAmerica: A Journal of Early Human Migration and Dispersal, (DOI10.1179/2055556315Z.00000000040), p. 297–304.
Bibliographie
[Djindjian et al. 1999] F. Djindjian, J. Koslowski et Marcel Otte, Le Paléolithique supérieur en Europe, éd. Armand Colin, (ISBN2-200-25107-6).
[Ducasse et al. 2017] Sylvain Ducasse, Caroline Renard, Jean-Marc Pétillon, Sandrine Costamagno, Pascal Foucher, Cristina San Juan-Foucher et Solène Caux, « Les Pyrénées au cours du Dernier Maximum Glaciaire. Un no man's land badegoulien ? Nouvelles données sur l'occupation du piémont pyrénéen à partir du réexamen des industries solutréennes de l'abri des Harpons (Lespugue, Haute-Garonne) », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 114, no 2, , p. 257-294 (lire en ligne [sur persee]).
[Leroi-Gourhan 1988 (posth.)] André Leroi-Gourhan, Dictionnaire de la Préhistoire, Paris, éd. PUF, .