Ch'ti, chti ou encore artésien urbain[1], est l'appellation coutumière donnée au picard parlé dans le bassin minier. Ses locuteurs arrivent souvent à l'intercompréhension avec les usagers des formes picardes usitées en Picardie (Amienois, Artésien rural, Beauvaisien, Camberlot).
Le ch'ti est un dialecte du picard. Le picard est une langue qui a pour origine la langue d'oïl parlée autrefois dans le nord de la Gaule gallo-romaine puis franque[A 2]. Elle a évolué depuis le latin vulgaire venu des invasions romaines et du parler germanique des Francs au Ve siècle[A 2]. L'une des premières traces écrites est la Séquence de sainte Eulalie, écrit à la fin du IXe siècle. À cette époque, cette langue était nommée « roman » (lingua romana rustica) (comme tous les parlers de la moitié nord de l'actuelle France) ou « langue romane vulgaire »[A 2]. La dénomination « picard » est apparue plus tard, vers les XIIe – XIIIe siècle quand la différence entre le parler du nord et le parler franceis était désormais flagrante.
Quant aux dénominations ch'ti/chti ou ch'timi/chtimi, elles ont été inventées durant la Première Guerre mondiale par des Poilus qui n’étaient pas de la région pour désigner leurs camarades originaires du Nord ou du Pas-de-Calais. C'est un mot onomatopéique créé à cause de la récurrence du phonème /ʃ/ (ch-) et de la séquence phonétique /ʃti/ (chti) en picard. Par exemple, les chtis eurent pour habitude de prononcer tabatière (/tabatjεʀ/) par tabat-ch-ière (/tabatʃjεʀ/), le son ch (/ʃ/) faisant systématiquement son apparition entre le t et le ie dans les mots de la langue française (par exemple, pour tiens, tiers, héritiers, entier, etc.). Ch'ti en picard signifie, selon le contexte, « celui » ou « ceux »[2], ce mot vient de l'ancien français du nord de la France chettui, chestui, qui est à rapprocher de l'ancien français cestui, encore usité jusqu'au XVIIe siècle. Exemple : « Chti qui est nin contint i a qu'à vnir èm vir » (Celui qui n'est pas content n'a qu'à venir me voir) ou « ch'est chti qui féjot toudis à s'mote » (c'est celui qui en faisait toujours à sa tête). On retrouve aussi cette récurrence dans le dialogue du type « Ch’est ti qui a fait cha? — Non, ch’est mi » (C’est toi qui as fait ça ? — Non, c’est moi).
Contrairement à ce qui est parfois dit, « chti/chtimi » ne signifie ni « petit » ni « chétif » en picard, puisque petit se traduit par p'tit, tiot ou tchiot, donc rien à voir avec l'ancien français ch(e)ti(f) < lat. captivu(m)[3].
En musique, c'est Edmond Tanière qui a certainement le plus représenté la langue ch'ti. Plus tard, Renaud reprendra plusieurs de ses chansons ainsi que quelques compositions originales dans son album Renaud cante el' Nord sorti en 1993. Le groupe lillois Killer Ethyl est également connu pour avoir écrit en 1985 l'une des premières chanson rock en ch'ti, J'artourne a l'fabrique.
Nuances de Picard
En 2014 est publié Le Petit Nicolas en picard[10], avec 3 différentes sortes de picard, selon les histoires : deux histoires en picard d'Amiens, traduites par Alain Dawson, deux histoires en picard de l'Artois, traduites par Jacques Dulphy et Jean-Luc Vigneux, et deux histoires en picard de Tournai, traduites par Bruno Delmotte[11],[12].
Notes et références
Alain Dawson, Le « Chtimi » de poche : Parler du Nord et du Pas-de-Calais, Chennevières-sur-Marne, Assimil, , 182 p. (ISBN2-7005-0321-X)