Français de Franche-ComtéLe français de Franche-Comté désigne la variante régionale du français parlé en Franche-Comté (tournures et vocabulaire). Celle-ci a été influencée par le franc-comtois (parlé au nord de son territoire) et l'arpitan comtois (parlé au sud de son territoire). AccentL’accent franc-comtois reste l’un des fondements identitaires d’une région encore très attachée à ses particularismes et une marque de reconnaissance des Francs-Comtois entre eux. Il diffère des accents voisins en particulier alsaciens et suisses, mais il se caractérise par la distinction entre les voyelles courtes et longues, tache et tâche se prononcent différemment: [taʃ] et [tɑːʃ], faite et fête se prononcent différemment: [fɛt] et [fɛːt]. Une élision du « e » muet (Besançon devient B’sançon, Vesoul devient V’zoul), tandis que le « o » final fermé devient un « o » ouvert (gâteau se prononce [ɡɑˈtɔ]). Le <r> est guttural et raclé. Autre caractéristique, la présence de sons mouillés en particulier le « l » prononcé souvent comme un « y ». L’accent est particulièrement fort dans le Haut-Doubs popularisé par la Madeleine Proust. Outre Laurence Sémonin créatrice de ce personnage, Lilian Renaud (chanteur) et Florence Baverel-Robert (sportive et consultante) également natifs du Doubs ont un accent très marqué. Dans le Jura, le parlé se rapproche de l'accent suisse romand ; Robez-Ferraris[1] énonce les caractéristiques suivantes : « Il a un accent qui ressemble à celui de la Suisse romande dont la marque dominante tient à l’allongement assez marqué de l’avant-dernière syllabe d’un groupe phonétique : du gruyère se prononce chez les personnes âgées du grû:ère ; mais chez les jeunes avec une voyelle prétonique assez longue : du grû:yère. Un autre trait porte sur la voyelle o qui a souvent un timbre ouvert en voyelle finale : un pot, un mot, un marmot ont un –o final ouvert. » Cet accent fut longtemps combattu et considéré comme une mauvaise prononciation associée à des mœurs rurales qualifiées de retardées et archaïques. En 1755 Mme Brun publie à Besançon l’Essay d'un dictionnaire comtois-françois[2] non pas dans un but linguistique mais avec l’objectif affiché d’aider ses compatriotes « à réformer leur langage »[3]. Elle qualifie la prononciation comtoise de pesante et niaise et recommande le dépaysement des jeunes générations comme seule manière de corriger ces défauts[4]. Au contraire de cette démarche, Charles Beauquier analyse l’accent en ces termes[5]. « Il est assez probable que ce que nous qualifions souvent chez le peuple de mauvaise prononciation est simplement une ancienne manière de prononcer, connue la plupart des locutions dites « vicieuses « ne sont autre chose que des locutions vieillies. Plusieurs personnes chez nous disent encore nentilles. Or, au XVIIIe siècle c'était la façon régulière de prononcer ce mot. Ainsi Ménage écrivait : « Il faut dire de la poirée et des nentilles avec les Parisiens, et non pas des bettes et des lentilles avec les Angevins. » Chez nous, beaucoup de gens prononcent encore des meures pour des mûres, pussin pour poussin, cemetière pour cimetière, util pour outil, etc. » « L'étymologie justifie ces prononciations. Nous avons un exemple frappant d'eu transformé en u dans notre langue usuelle avec le verbe être : j'eus, tu eus, il eut, que nous prononçons absolument comme si l’u n'était pas précédé d'un e muet. Une des singularités de la prononciation comtoise, et qui tend du reste tous les jours à disparaître, consiste à accentuer certains mots on liant la voyelle à la première consonne au lieu de la séparer. Ainsi bien des personnes disent encore : ain-mer pour aimer; la bonne an-née; un meun-nier; Annette; san-medi, pour samedi. Nous avons trouvé ce dernier mot dans un texte comtois du XVIe siècle écrit sambedy, ce qui est conforme à la prononciation locale. » « Une autre habitude provinciale, particulière à la Franche-Comté, est celle qui consiste à donner à la syllabe ouverte oi le son de oué : « Moué, toué, le roué » ça fait troués est le dicton usité pour railler l'accent comtois. Cette prononciation aussi logique que celle qui a fait prononcer avait au lieu de avoit et le peuple français au lieu du peuple françois, commence à devenir moins fréquente ; mais il n'en est pas de même de celle qui consiste à supprimer la liquide l dans les mots où elle précède les syllabes ier. Ainsi on dit escaier pour escalier, coier pour collier, balier pour balayer, etc. De même on prononce volontiers lumi-ire, premi-ire pour lumière, première, etc. Quant au changement des voyelles brèves en longues, tout le monde sait que c'est là notre moindre défaut, et il est absolument nécessaire que nous séjournions longtemps hors du pays pour nous apercevoir que nous avons l'habitude de dire câve pour cave, citâdelle pour citadelle, gâber pour gober, etc., de même que nous prononçons Vsoul, Bsançon sans faire sentir l'e muet. Inutile de dire qu'il en sera de ces prononciations locales comme des mots qui font l'objet de ce dictionnaire : elles finiront toutes par tomber en désuétude »[6]. Toutefois l’accent a sans doute mieux survécu que le français régional ou la langue franc-comtoise; au contraire, Louis Pasteur, à une réunion de « compatriotes » à Paris en 1883, s’exprimait en ces termes : « Vous nous faites entendre de tous côtés les intonations de cet accent franc-comtois qui, par fierté sans doute de son origine, ne se perd jamais[7]. » Un français régional diversifiéLa Franche-Comté, une région aux multiples influencesJeau-Paul Colin[8] résume l'espace franc-comtois comme une région ouverte sur des espaces culturellement et géographiquement hétérogénes : « La Franche-Comté se situe à un carrefour particulièrement complexe et fréquenté au cours de l’histoire de France. Influences germaniques au nord de la ligne de démarcation, avec les Alamans et les Burgondes, influences latines et romanes au sud, avec le franco-provençal, sans oublier le fond gaulois, la Comté, région à la fois agricole et industrielle, a vu cohabiter nombre de parlers assez éloignés les uns des autres. Entre le Haut-Jura montagnard, jadis très isolé, le Doubs central, la plaine de Saône, les confins de la Bresse de Lons-le-Saunier à Dole, multiples furent les manières de parler et de vivre, héritage de population longtemps ballotées, convoitées et persécutées par les puissants, traversées par les guerriers de l’un ou l’autre camp. Aussi ne peut-on parler du franc-comtois comme d’un parler unique ou tout du moins homogène. Si elle est française depuis trois siècles par le traité de Nimègue (1678), la Franche-Comté est demeurée très diverse malgré son unité politique et administrative, quelque peu factice. Les forces centrifuges semblent souvent l’emporter, dans la vie quotidienne des gens, sur la force centripète de Besançon, ville capitale comme elle se baptise elle-même. On est bien obligé de constater que les Jurassiens de Saint-Claude sont très fortement attirés par Lyon, que le Haut-Doubs et le Jura sont très proches de la Suisse, que le Nord-Franche-Comté avec sa puissante industrie, aspire beaucoup d’habitants vers l’aire Belfort-Sochaux-Montbéliard, que le Sud de la Haute-Saône lorgne vers Dijon, capitale bourguignonne, etc… » Des régionalismes spécifiquesUn parler jurassien tourné vers la Suisse romandeDans le Jura et le Haut-Doubs les régionalismes sont communs aux régions voisines de Suisse. Pour Gaston Tuaillon il existe donc un régionalisme commun à la Suisse romande et au Jura, ainsi il ne s’agit pas d’helvétisme dans le français régional du Jura mais plutôt de l’appartenance à une communauté linguistique commune[9]. Ainsi des deux côtés du Jura on utilisera la préposition "sur" au lieu de la préposition "en" (ex. : sur Suisse au lieu de en Suisse). L'échange permanent entre frontaliers, la recolonisation du Jura par des Suisse après la guerre de Dix Ans, a largement contribué au développement d'un continuum linguistique. Un parler du Nord de la Franche-Comté soumis aux influences germaniquesL’appartenance du Territoire de Belfort à l’Alsace jusqu’en 1871 ainsi que la souveraineté allemande sur Montbéliard a influencé profondément le lexique du comtois et du français régional local. Si la plupart des mots d’origine germanique sont spécifiques à Montbéliard, on les retrouve dans une moindre mesure diffusé dans toute la Franche-Comté. L’annexion de l’Alsace-Lorraine, en 1871, a favorisé l’émigration de population alsacienne dans le Nord de la région. Pour Contejean[10], la région de Montbéliard garde la trace d'une vieille présence de germanisme dans la langue parlée que ce soit au niveau du français régional, du comtois et même des patronymes : « (…) Puisque la langue patoise a complètement adopté certains mots germaniques, et qu’elle les exprime d’après son propre génie et non à la manière allemande, il m’a paru juste et naturel de les représenter comme on les prononce. Ainsi, j’écris chelitte, traineau, chetaine, bille, chepanne, empan, quenade, pardon quenôgue, assez, parce qu’en patois on prononce réellement en trois syllabes, quoique les radicaux allemands Schlitte, Stein, Spanne, Gnade, Genug n’en aient que deux au plus. De semblables altérations ont même passé dans les noms propres et sont consacrées par les registres de l’état civil : à Montbéliard, on prononce Tainmefeul pour Dempfel, Gogueur pour Koger, Tirepac pour Duerbach, Chafrichetaine pour Scharfenstein, Tiainnic pour Koenig, etc. ; très vraisemblablement la famille Quenaidit descend d’une famille allemande du nom de Gnoedig. » Notes : Ce glossaire est issu des études de Beauquier[11] et Contejean[12]
Des influences lexicales venus d'autres espaces linguistiquesDans une moindre mesure l’italien, le hollandais (héritage de la période bourguignonne ?) et l’espagnol (héritage de la période espagnole) ont influencé le parler local. Voici quelques exemples :
Français et français régionalLe français classique influence le français régional de deux manières : d'abord en s'imposant sur les langues régionales. Il contribue à franciser la graphie mais aussi la prononciation des régionalismes. D'autre part le lexique régional est également largement influencé par des mots français qui se manifestent soit de manière déformée, soit par des faux-amis.
Langues régionales et français régionalLes deux langues vernaculaires de Franche-Comté sont le franc-comtois de langue d’oïl et l'arpitan comtois (dialectes spécifiques du Haut-Doubs, des plateaux du Jura et du Haut-Jura, dialecte d’influence bressane dans la Bresse jurassienne et dialecte sauget). La Franche-Comté a de tout temps été francophone, toutefois le français représentait seulement la langue de l’élite, les deux langues régionales étant le parler quotidien du peuple que ce soit dans les villes ou dans la campagne. Le français régional appelé aussi provincialisme est issu de cette diglossie. Selon Charles Beauquier[14] : « Un patois est le dialecte que parlaient autrefois tous les habitants d'une même région et qui actuellement n'est plus en usage que dans les campagnes. En effet, les patois sont la langue rustique de la France. Ils se composent de deux espèces de mots très distinctes : des mots que nous appellerons « français», c'est-à-dire usités dans le langage de tout le monde, mais habillés à la paysanne, et des mots non employés dans la langue ordinaire et dont la plupart sont de vieilles expressions tombées en désuétude. Un grand nombre de mots de cette dernière espèce, on pourrait dire le plus grand nombre, ont passé dans le langage des villes où ils sont demeurés, en subissant toutefois une transformation. On les a accommodés à la française ; ou a « modernisé » leurs désinences. Sous cet accoutrement nouveau ils prennent le nom de provincialismes. Le provincialisme peut donc se définir la forme urbaine des mots patois. » Influence de la langue franc-comtoise (origine latine et langue d’oïl)Le franc-comtois, de par sa proximité avec le français et sa continuité avec la langue latine a influencé un grand nombre de mots[15].
Influence de l'arpitan comtoisL’émigration suisse en Franche-Comté d’abord dans le Jura dès le Moyen Âge puis après la guerre de Dix Ans pour repeupler le pays (auquel se sont joints des Savoyards) a amené un grand nombre de mots franco-provençaux. Colette Dondaine pense que la Franche-Comté fut d’abord entièrement de tradition franco-provençale.
Le parler de la ruralitéLe parler paysan des comtois
Texte de Charles Steib, extrait de l'Almanach du Petit Comtois de 1941 ________________________________________ Au contact du patois, le fidèle grammairien que chaque français porte au fond de son cœur, se réveille brusquement. Ces tournures curieuses, ces expressions archaïques qu'il a étudiées quelque part dans une page de Rabelais ou dans un poème de Marot, voici qu'elles refleurissent sur les lèvres rustaudes. Oyez donc nos paysans. Leur langage quotidien est tissé de ces termes anciens, échappés comme par miracle à l'usure du temps, pétris de la substance même du passé qu'ils ressuscitent. Chez nous, marcher lentement, c'est marcher "bellement", comme marcheraient, s'ils revenaient de la croisade les chevaux de Froisard. En patois franc-comtois, le jardin demeure le "courtil"; la lessive s'appelle encore la "buée"; aller à l'église c'est toujours aller au "moûtier", comme y allait autrefois la mère de Villon. Les termes gardent dans le parler paysan toute leur spontanéité expressive. leur étude constitue une récréation philologique que l'on peut s'offrir, non dans la poussière des bibliothèques, mais dans la douce quiétude d'un soir d'été, sous le tilleul du village, près de ceux qui un instant s'y reposent. Plaisir de poète aussi. La sensibilité s'éveille au contact de ces mots enrichis de la substance du passé et qui en chantent la simple et austère beauté. Peut-être que seules les oreilles rustiques peuvent ouïr pleinement certains mots qui disent plus que d'autres le charme du foyer. Le poète allemand [sic] Rainer Maria Rielke [sic] regrettait de ne pas trouver dans sa langue un vocable qui eut le même sens et la même fine beauté que notre mot verger. Ce simple terme était pour lui tout un poème : des arbres, le chant des abeilles, l'odeur sucrée des fleurs champêtres, la fraîcheur de l'herbe. J'aurais voulu lui dire aussi ce que sont pour nous, paysans de Comté, nos vergers et nos "courtils" : autour de l'"houtâ", un coin d'arbres familiers, des pommiers tordus de vieillesse, péniblement accoudés, le tronc gercé d'un poirier aux feuilles toujours frémissantes, des pruniers de toutes espèces, et le long d'un talus plein de mousse un enchevêtrement de groseilliers et d'"ambriers"; humble domaine paysan, riche de ses simples dons : un bouquet de fleurs timides en mai, en septembre une corbeille de fruits odorants et veloutés aux noms savoureux : "pommes moisson", "demoiselles", "quart-pendus", "culroussôts", "poires grand-queues", "emmiellées", "noisilles". Ces mots humbles et ternes du patois, dépouillez-les de la couleur terreuse qu'ils prennent au contact quotidien de la glèbe, aussitôt ils se revêtiront d'un brusque prestige. Le paysan lui, ne sait pas opérer ce rajeunissement car, très souvent, il a perdu le sens des événements qui l'ont précédé. Il fait partie de cette humanité silencieuse sur laquelle se dressent ceux qui font du bruit dans l'histoire. Les querelles des politiques, les chevauchées des Césars, la férocité des mercenaires, tous les remous de l'histoire ont passé sur le coupeur de terre sans entamer son esprit, bien qu'ils aient meurtri sa chair. Après chaque tourmente, il est revenu relever sa maison, refaire son champ; il a rebâti, repioché et il a oublié. Si le paysan ignore ses propres archives, c'est qu'il porte en lui des secrets plus lourds, révélés par le spectacle sans cesse renaissant des travaux et des jours. De tout temps il a cherché des points de ralliement qui lui semblaient échapper aux caprices de l'histoire. Ainsi, des gens d'autrefois naissaient sous un signe. Les pages de garde des grosses Bibles ébréchées qu'on trouve encore au fond des bahuts montbéliardais sont couvertes de signes grossièrement dessinés, à côté de l'état civil des membres de la famille. On y voit tantôt le signe de la "graibeuse" (écrevisse), tantôt le signe de la balance. L'astrologie est une spécialité paysanne : elle a longtemps fourni des solutions aux problèmes de la destinée, telle que la comprenait le villageois. De là, ce fatalisme à demi inconscient qui l'empêche de fouiller son passé, de chercher le secret que lui révéleront ses propres archives. Mais la langue paysanne témoigne dans un sens tout contraire. Il semble que la mémoire collective soit plus tenace et qu'elle conserve pieusement ce que l'individu a oublié. Voici tel mot que vous croiriez complètement desséché. Soufflez sur lui l'esprit de vie. Aussitôt ressusciteront d'un passé perdu au fond des siècles tout un ensemble de croyances, de rites, d'une saveur étrange. Déchiffrer un glossaire patois, c'est feuilleter un manuel d'ethnographie. Prenez cette humble expression "faire le chat", que les paysans utilisent pour désigner à la fois la branche verte qui orne la dernière charretée de gerbes, et le repas rabelaisien qui clôt la moisson, vous serez étonné de retrouver dans cette formule archaïque le témoin effrusté de cultes très anciens : le chat serait ici l'incarnation animale de l'esprit du blé, divinité fécondante et fertilisante, autrement adorée sous diverses formes dans la Grèce antique et jusque dans l'Inde. La langue paysanne est une invitation à de forts beaux et lointains voyages. Peut-on refuser de s'embarquer ? Étude passionnante qui permet parfois de révéler un passé, qui palpite encore dans la langue paysanne, sous des dehors moins idylliques que la poésie du bon vieux temps. Voici) l'appui un court mais significatif exemple. Une vieille femme raconte un jour l'histoire de Pierreli l'enragé. C'était l'histoire lamentable d'un jeune paysan devenu enragé et condamné à subir le sort qu'on réservait, paraît-il, à ses pareils, véritables fléaux domestiques. On lui fit prendre un bain de pied chaud, et pendant que quatre voisins le maintenaient fortement assis sur une chaise, le rebouteux lui ouvrit la grande veine sous le talon. Pierreli l'enragé mourut de cette façon. La paysanne ajoutait en patois qu'on l'avait "esanguôné" (vidé de son sang). Tel qu'il est, vrai ou à moitié faux, ce récit, qui est l'histoire d'un mot rustique et d'une pratique barbare, montre comment ce mal mystérieux de la rage était entouré autrefois d'une atmosphère de tragique horreur. Que dire de l'épilepsie, du "haut-mal", comme l'on dit encore ? Ce terme semble indiquer la présence d'un élément magique comme dans la "Haute-Chasse". On y retrouve l'interprétation superstitieuse des maladies nerveuses dans le temps jadis, en même temps que les pratiques curieuses de guérison comme celles que suivaient autrefois les femmes hystériques qui déposaient des crapauds de fer sur l'autel de certaines chapelles dans l'espoir d'être guéries au moyen de cette étrange offrande. L'esprit de superstition a une étonnante vitalité. Le monde moderne s'est libéré des pratiques magiques; il semble s'être délivré des peurs et des angoisses du primitif. Il ne craint plus, comme le faisait les foules d'antan, ces maladies mystérieuses qui ravageaient le corps et l'âme : la peste, la sorcellerie. Le poids formidable de ces épidémies à cesser de peser sur nous. Mais en reculant, le glacier a laissé des débris qui jalonnent sa route de retraite. Les mots en sont témoins. Ne resterait-il pas dans "l'homme noir", ce nom donné par les enfants à un jeu de cartes innocent, un peu de l'angoisse que nos ancêtres éprouvaient devant la peste, la terrible mort noire ? Et la sorcellerie est-elle tout à fait morte ? Sans doute, les personnes suspectes de guenaulcherie ne risquent plus le bûcher. Pourtant en écoutant les vieilles gens, vous les entendrez parler encore avec complaisance du grimoire, des personnes qui ont le "pouvoir". Les présages maléfiques effraient encore des simples qui redoutent "la lune qui boit" ou la poule qui "chante le coq". Tous ces termes font revivre un passé qui dure encore, mais qui malgré tout agonise. La langue patoise a ce caractère, n'étant pas fixée par l'écriture, ni codifiée, d'évoluer assez vite. Elle est en même temps que le reflet du passé, le miroir du présent. En elle vit le caractère de ceux qui la parlent. À nous de la questionner sur ce point. Travail délicat car l'âme paysanne ne s'étale pas au grand jour. Nos Francs-Comtois, en particulier, redoutent le parler d'abondance, la "loquence" comme ils disent. Ils aiment mettre de la pudeur dans l'expression des grands sentiments. Choisissez dans l'âme du paysan la passion qui le possède le plus fortement, l'amour de la terre. Jamais elle ne s'exprime nettement. Le dimanche, "reblanchi" comme pour l'office, il s'en va seul à travers la campagne. Il contemple longuement son blé qui pousse, l'herbe qui mûrit, il ramasse quelques mottes puis s'en retourne chez lui sans avoir prononcé une seule parole. Cette dévotion muette qu'il transmet avec le sang, il n'y a pas de mot qui l'exprime. Probité verbale, signe de dignité morale, les gens de la terre, d'apparence sensibles au beau langage, éprouvent, malgré tout, un secret dédain pour la "parloure". Ils ne la tolèrent pas dans les situations tragiques, là où l'attitude seule peut exprimer mieux que les mots la douleur qui ravage le cœur. Quand la mort entre dans la maison, le paysan répugne aux politesses verbales que voudraient imposer les convenances bourgeoises. Il garde un silence dur, sacré, celui des veillées funèbres pendant lesquelles amis et parents osent à peine se parler à voix éteintes. Cette réserve on la retrouve aussi dans les complaintes d'autrefois. Fidélité du souvenir, traduite simplement et fortement sans sentimentalité ni mièvrerie. Tout l'attachement au foyer se résume en cette expression consacrée : « Chez nos gens ». Ceci veut dire la maison mère, "l'outâ" patriarcale où vont notre tendresse et notre vénération. Entre proches parents, on réduit d'ailleurs les manifestations extérieures de cette tendresse. Dans quelques vieilles familles, on ignore même la pratique du bonjour et du bonsoir. La poignée de main, on en use dans les grandes occasions, la mort par exemple. L'enfant n'échappe pas à cette ambiance virile. Une grand-mère avait élevé son petit-fils avec beaucoup de patience et un grand dévouement. Elle ne l'embrassait jamais. Quand sa tendresse cherchait à s'exprimer, un seul mot lui montait aux lèvres : « ma côte », disait-elle. C'était assez pour lui. Honnêteté de la langue paysanne : pour les grandes choses, refus des grands mots. ll va de soi que dans l'analyse de la vie morale, le paysan franc-comtois ne manie guère l'abstraction. Quand il veut le faire, sa langue s'endimanche. Il cherche ses mots, essaie des phrases, bref, se renie. Il a besoin du concret et de son observation morale qu'il veut vivante, imagée, rapide, il le coule naturellement dans le moule des proverbes qu'il lâche comme s'il en pleuvait. Ils défilent et avec eux la gaillardise populaire. Aborder une affaire à rebours, c'est empoigner Saint Jacques par le derrière. On dit d'une personne étonnée qu'elle "revire" des yeux comme un chat accroupi dans un tas de blé; d'un amoureux qu'il est aussi fou de sa belle qu'un pauvre de son "sachot". Ils ont aussi de jolies comparaisons rustiques : voici une petite fille, elle est aussi éveillée qu'une corbeille de rattes. Leur sentiment de la nature s'exprime dans ce joli dicton : qu'on aime mieux voir une "quâgnotte" (perce-neige) que dix "lêuvrottes" (colchiques). Dans une affaire d'intérêt, où il s'agit souvent de partager un centime fendu en quatre, laissez-les donc démêler leurs raves. Autrement, chaud vous en cuirait. De tels proverbes portent en eux l'esprit de la race, sa rude franchise, son ironie, sa fantaisie aussi. Ils ne disent peut-être pas le fond de son âme. Celle-ci n'est pas certes l'âme nostalgiques des gens de mer, les Francs-Comtois ne sont pas de ceux que travaille l'infini de l'océan. Ils connaissent pourtant un mal qu'on ne peut guérir : la "grie", en français on l'appelle le mal du pays. Pendant la première guerre, dans les tranchées des Flandres, alors que sa pensée allait tout droit vers le village de son enfance, le poilu franc-comtois était soudain saisi d'un désir fou, atroce, d'y revivre, de respirer son air frais, de manger ses "brâcots", de parler son patois. La "grie" le prenait, cette terrible "grie", le cafard, le mal de son pays. Telle âme, telle langue, telle démarche aussi. La langue se règle sur le rythme paysan. Il pense lentement, il mange lentement, il parle de même. Il mâche ses mots, les digère complètement. Aussi aimerait-il à les répéter, à accompagner l'expression orale d'une mimique expressive. ne vous étonnez pas de rencontrer dans cette langue de la terre de nombreux repentirs, de ces reprises qui donnent à la phrase le dessin capricieux d'une rue de village. Souvent la syntaxe s'encombre et se noue. Entendez ces liaisons grammaticales : "tout par un coup, comme de bien entendu, jusqu'à tant que je sois là" : c'est du style Louis treize, trop solidement charpenté. Dans le récit, le villageois aime les redoublements cocasses, le tour pléonastique de l'expression : Il est "né-natif" de Couthenans; il y restera pour toujours et à jamais; "pour l'heure de maintenant". Pourquoi donc en sortir ? Appréciez donc ces superlatifs imprévus : "Ah ! Madame, quel gros garçon vous avez sur les bras ! Mais oui, madame; il est fin pourri-gras, si bien qu'à la fin, il n'est plus gros, il est carré". D'autres fois, la langue se libère hardiment de ces formes pesantes pour adopter un tour léger que pourrait lui envier la langue littéraire Tantôt c'est une omission heureuse de l'article "à l'arbre vert, on vend vin et l'on boit pot". tantôt c'est une contraction à rendre jaloux les stylistes les plus subtils. On sait que Chateaubriand bâillait sa vie. Cet effet de style est chez nous monnaie courante; on y dort le sermon; les mères y chantent leur enfant. Nos grands écrivains pourraient aussi envier à la langue rurale la richesse des sensations qu'elle exprime. Le paysan plus près de la nature a des sens plus aiguisés. Son oreille perçoit des bruits que nous avons désappris à étiqueter par exemple le "chéchillement" de l'arbre qui s'abat dans la forêt. Vivant en pleine familiarité avec les animaux, il éprouve le besoin de désigner avec plus de nuances leurs gestes, leurs mœurs, leurs cris. Il sait que le chat "crache", que le lapin "épiffe", que la vache meugle sur la chair morte. Pour nommer les odeurs, surtout les odeurs fortes qui s'exhalent des choses de la terre, il dispose de toute une série de termes difficiles à transcrire : odeurs complexes comme celles des feuilles décomposées ou des marécages. Cette langue charnue sait aussi se faire délicate. Toute la nature s'y reflète : le vert des prairies, la chaude couleur des bois que rougit l'automne. Toute la poésie de la vie naturelle, vous pouvez la goûter dans quelques termes : c'est une image hardie; le faucheur donne les derniers coups de faux, il "barbe" le pré. C'est un verbe d'un archaïsme expressif : le crépuscule vient, les choses de la campagne se noient dans l'ombre, le temps "s'annuite". Parfois c'est un mot ailé dont la caresse légère est douce à l'oreille et à l'âme. En voici un que l'on réserve pour les moments rares de la vie où le bonheur vous transfigure. Vous vous sentez libéré de ce monde hostile et pesant : la joie vous enlève dans son paradis. En patois, vous dites tout cela en un seul mot : mon cœur "oisèle". La langue paysanne n'ignore pas la poésie, cette poésie qu'un étranger se refuserait à trouver dans nos villages d'aspect prosaïque et banal. Pourtant, si quelque vieille famille voulait sortir pour lui du fond de l'armoire à quatre portes une collection de ces bonnets brodés que nos grand mères portaient autrefois, on sait avec quelle grâce, peut-être devant cette beauté que les ans n'ont point fanée, sentirait-il alors qu'il existe chez nous une poésie intime qu'il faut savoir découvrir pour pouvoir la goûter. C'est ce qu'ont bien compris les écrivains de génie qui ont nourri leurs œuvres de sève populaire. On songe ici à Rabelais. Ce paysan érudit s'est annexé le patois. Il a enrichi sa langue de l'expression du terroir, de proverbes locaux, de nombreux provincialismes. Il a merveilleusement rendu la truculence de ce parler, le pittoresque des images, la finasserie et l'abondance verbale des maquignons sur le champ de foire. Comme ces paysans de la Devinière ressemblent à ceux de la Comté ! Ici, comme en Touraine, on sait boire quelques verres d'affilée sans avoir à se déchausser. Ici aussi, le blason populaire connaît toute la gamme des titres qu'on s'inflige les uns aux autres, depuis le voleur de poire jusqu'au dépendeur d'andouilles. Il ne faut pas oublier non plus que Rabelais, dans un coin de son prodigieux roman, a su réserver, du rustique, un portrait d'une sobre poésie. rappelez-vous le vieux bonhomme Grandgousier qui après souper, se chauffe à un beau, clair et grand feu, faisant à sa femme et à ses enfants de beaux contes, les mêmes sans doute qui ont enchanté notre enfance, le gentilhomme campagnard devait les dire en bon patois. Grandgousier ne manquait pas de goût. Il cherchait son inspiration à la source toujours fraîche du parler rustique. Il en appréciait la vigueur, la liberté et l'exquise pudeur. On peut toujours suivre son exemple. Un vocabulaire essentiellement ruralHenry Fleish dans son étude du français régional de Jonvelle[16] relève une grande diversité de mots concernant les savoirs relatifs aux activités agricoles, au climat et à la nature. Par exemple, concernant les conditions atmosphériques il note : « Quand la pluie tombe violemment : « la pluie rouche », ou bien « tombe a siaux ». Quand au contraire, il bruine : « il broussine », on dit aussi « il brouillasse ». - Bruiner est inconnu.
Un proverbe les réunit : Le solaire : la pluie en l'air - la verne l'amène - le droit-vent la répand - la bise à sa guise. » LexiqueLocutions et expressionsBlasons populairesGentilés particuliers et sobriquets des habitants du Doubs
Toponymes
Vocabulaire et expressions de base
Syntaxe et grammaireTournures de phrasesLa syntaxe possède certaines spécificités dans ces tournures de phrases, on observa ainsi plusieurs cas particuliers :
De même, pour « Mon fils et moi » ou « Nous deux » suivi du nom d’une personne, on évite de rajouter « et moi » qui reste sous-entendu. Par exemple « Un jour, nous deux mon frère Joseph ». Emploi particulier de préfixes et suffixes
RAVOIR : (v. tr.) Remettre en état. « Cette casserole est brûlée ; impossible de la ravoir ». RECHANGER (SE) : (v. pron.) Se changer. « Il s’est r’changé une nouvelle fois ». RÉCLAIRCIR (SE) : (v. pron.) S’éclaircir. « Quand il faisait des grosses averses, la fontaine troublait, ça coulait jaune pendant quelques jours, après ça se réclaircissait ». RECONDUIRE : (v. tr.) Rapporter (avec un nom de chose) « Ce serait bien un ouvrier chez un meunier, pour chercher les grains et reconduire la farine ». RECROIRE (SE) (v. pron.) Être prétentieux, avoir une haute idée de soi-même. « Eh bien, on peut dire qu’il se recroit celui-là ! » REINTRI : (adj.) Ridé. « Cette pomme est toute reintrie ». Du latin « restringere ». Variantes : « raintri », ou « rintri ». Synonyme : « regrigné ». REGUÉRIR : (v. intr.) Guérir. « D’ici quelques jours tu seras reguéri ». RELAVER : (v. tr.) Laver. Voir « patte à relaver ». RESSUYER : (v. tr.) Sécher. « La terre est ressuyée, on va pouvoir labourer ».
Emploi des articlesL’article défini (le, la) est utilisé devant le nom d’une personne connue (le Jean, la Germaine…) y compris au sein de la famille. Certains mots voient leur genre inversé, à Chapelle-des-Bois on dira ainsi la rhume, la serpent, le vipère[17]. Prépositions particulières
Adverbes et conjonctions spécifiques
Emploi des pronomsCe sont les mêmes qu’en français classique. On note toutefois deux spécificités : Usage du « QUE » (pron. relatif), très utilisé au lieu d’un autre relatif. « C’est toi que tu me l’as dit ». Le pronom personnel de la troisième personne change :
Emploi spécifique de certains verbes
Utilisé à la place de l’auxiliaire être dans les temps composés du passé. Exemple « Elle a tombé », « Il a resté ». Le syntagme « avoir besoin » est suivi d’un verbe d’action à l’infinitif au lieu d’une forme passive. Exemple « La cheminée a besoin de refaire », « Les carreaux ont besoin de laver »
Français régional et culture franc-comtoiseLe français dialectal dans le folklore et les traditions comtoises
C’est une bouillie de farine de maïs grillé et donc différente de la polenta italienne. Les gaudes ont constitué une des bases de l’alimentation franc-comtoise, tout en étant connues en Bresse et en Bourgogne. Le maïs est cultivé en Franche-Comté dès le premier tiers du XVIIIe siècle. L’étymologie du mot est douteuse : peut-être à rapprocher du nom d’une plante de couleur jaune, la gaude. Dans un discours à une réunion de Francs-Comtois à Paris, en 1883, Pasteur disait : « ce qu’on aime là-bas, vous l’offrez ici. Vous nous donnez les gaudes, ce plat du terroir de mémoire si grande que vous l’avez élevé à la hauteur d’une institution. » « Nous sommes les mangeurs de gaudes », dit une ballade franc-comtoise, mais « mangeurs de gaudes » appliqué aux Francs-Comtois est souvent péjoratif et l’on renchérit parfois : « ils ont le derrière jaune ». Un certain nombre d’expressions ou de dictons évoquent ce plat si apprécié : « un gros plein de gaudes » équivaut à ce qu’on nomme ailleurs un « gros plein de soupe » ; « piau (peau) de gaude » qualifie une personne au visage jaune et ridé. « Il est comme la peau des gaudes, il revient jusqu’à sept fois » signifie « il me fait perdre mon temps ». « Ramener la peau sur les gaudes » c’est « arranger une affaire ». « Souffler les gaudes », c’est « ronfler ».
Quand le metton prend une couleur jaune doré, il est prêt pour la fabrication de la cancoillotte. On le fait alors fondre à feu doux avec un peu d’eau, du beurre et du sel en le remuant régulièrement. Une fois retiré du feu, on y ajoute un morceau de beurre, ce qui lui donne un aspect doré et ridé. Voir cette chanson franc-comtoise : « pour que l’metton soit bien pourri / sous l’édredon au pied de votre lit / près de la bouillotte / vous l’installez là quelque temps / fondez et vous avez / d’la cancoillotte »
La vouivre est aussi le serpent fantastique des légendes populaires de Comté. Elle porte une escarboucle au front. Il s’agit donc d’un être fantastique, sorte de fée qui vit auprès des étangs et ensorcelle les esprits des humains. « Ces vouivres qui se baignent dans les ruisseaux et qui, avant d’entrer dans l’eau, déposent sur l’herbe une grosse escarboucle qu’elles portent au front comme un œil lumineux ». Marcel Aymé a intitulé un de ses romans La Vouivre. Étymologie : ce mot est une forme de « vipère ». « Vipera », « vuivre » (vouivre). Vieux français, « vivre ». Vipera a formé aussi « guivre » (un serpent fantastique du Moyen Âge), comme « vespa » a donné « guêpe ». Le « g » et le « v » se substituant l'un à l'autre.
Dans le Jura, le tuyé en bois, est en forme de tronc de pyramide qui couvre totalement une pièce, de plan carré fermé par deux murs et deux cloisons. Contre l’un des murs, on fait le feu à même le sol. Dans l’espace au-dessus du foyer, on fume la viande et les saucisses du val de Morteau. « Dans le fond, montait le tuyé, immense cheminée villageoise de 4 m2 de surface à la base, s’effilant en haut en tronc de pyramide, s’ouvrant et se formant par deux planches articulées, fermant sur le faîte une toiture mobile qui se manœuvrait du dedans au moyen d’une longue corde de chanvre durcie et noirâtre. » Le mot est attesté par une image de 1595 et par des textes du XVIIe siècle dont, en 1678, le voyage d’un marchand italien allant de Paris à Pise qui décrit le tuyé de l’auberge des Rousses. De l’ancien français « tuel », variante : « tué ». Français régional et littératureL’expression de la paysannerie comtoise dans la littérature régionalisteLa Franche-Comté relativement pauvre en littérature sous l’Ancien Régime voit naître au XIXe siècle nombre de grands écrivains. Pour ne citer que Victor Hugo, natif de Besançon, ou Lamartine, aux racines franc-comtoises, c’est surtout Charles Nodier, Xavier de Montépin, Max Buchon qui contribue à créer une certaine école littéraire comtoise de la ruralité. Nodier devient le défenseur national de la cause du comtois et écrit les aventures du nain Trilby qui bien que situé en Écosse s’apparente aux histoires des foultots franc-comtois. Montépin quant à lui, devient célèbre pour ses romans populaires dont l’un raconte les aventures du héros de l’indépendance comtoise Lacuzon face aux Français, ce roman nommé Le Médecin des pauvres qui est un plagiat d’une œuvre de Louis Jousserandot Le Diamant de la Vouivre restera au cœur d’une célèbre controverse littéraire. Max Buchon, ami de Victor Hugo et de Gustave Courbet, apparait comme le Balzac comtois qui décrit dans sa trilogie du Val d’Héry la vie des paysans comtois et réalise un remarquable travail de recherche sur les traditions populaires comtoises. C’est lui qui ouvre la voie au XXe siècle à d’autres écrivains comtois comme Louis Pergaud, Marcel Aymé, Romain Roussel et André Besson. Ces derniers vont explorer la ruralité sous toutes ses formes. Le merveilleux s’exprime dans La Vouivre de Marcel Aymé et ses Contes du chat perché, l’anecdote de village et ses querelles donnent naissance à la célèbre guerre des boutons de Pergaud, mais c’est un thème que l’on retrouve chez Aymé (La Table aux crevés) et Roussel autour d’un drame passionnel (La Vallée sans printemps). André Besson quant à lui s’attache à des romans historiques sur la guerre de Dix Ans(La Louve du Val d’Amour, L’Indomptable Lacuzon) et explore la mémoire des vieux terroirs comtois. Enfin, Bernard Clavel, figure littéraire d’envergure internationale, dépeint un portrait sans concession de la ruralité comtoise souvent cruel et sans pitié pour ses héros (Tiennot, l’Espagnol, Bisontin-la-Vertu). Plusieurs de ces ouvrages ont fait l’objet d’adaptations cinématographiques (les deux versions de La Guerre des boutons, La Vouivre, La Vallée sans printemps) et télévisées (Le Tambour du bief, L'Espagnol, Les Colonnes du ciel).
Le parler franc-comtois dans Gustalin de Marcel AyméDans Gustalin, lorsque Marthe est partie avec Sylvestre Harmelin (surnommé Gustalin), Hyacinthe rentre à la ferme et trouve la maison vide. Il doit donc faire lui-même le travail de sa femme. « Il ferma le poulailler et pensa tout à coup qu'il fallait traire les vaches et porter le lait à la fruitière[19],[20] Marthe avait tout préparé à l'écurie. À côté du trépied de bois, il trouva la seillere[21], la bouille[22],[23] » « Comme tante Sarah arrivait, Marthe ôta son devantier[24],[25] » En revenant des bois où habite sa tante Talentine, Marthe se signe en voyant trois pies et récite une comptine pour conjurer le sort : « Trois aigasses[26]. Malaigasse. Passe, passe, passe[27]. » Arsène Muselier contemple les champs de turquis dans lesquels il n'y a plus trace des serpents de la Vouivre[28] ,[29] »
Les spectacles comiques de la Madeleine ProustLa Madeleine Proust est un personnage théâtral incarné par Laurence Sémonin. Son nom est emprunté aux célèbres madeleines de Proust. Le personnage de la Madeleine Proust est une veuve habitant le Haut-Doubs, dans la commune des Gras, près de Morteau. L'accent si typique de cette région rendit cette « commère » très populaire. Son succès fut d'abord régional, puis national. Au fil des monologues, le spectateur apprend plusieurs détails de sa vie. En voici quelques répliques célèbres :
Exemple de texte
Notes et références
Articles connexesInformation related to Français de Franche-Comté |