« Le refus du service militaire est une assurance contre la mort, cette assurance sera viable dès qu'il y aura suffisamment d'assurés. »
— Léo Campion
En 1933, une figure de proue du parti libéral belge, Albert Devèze, ministre de la Défense nationale, dépose un projet de loi interdisant toute propagande pacifiste et toute diffusion d'idées antimilitaristes. Sans attendre, Léo Campion et Hem Day renvoient leurs livrets militaires[8]. La réponse ne tarde guère, un mois après, Albert Devèze rappelle les deux hommes sous les armes par mesure de discipline ; ils doivent rejoindre leur unité. Ce qu'ils refusent de faire. Ils sont arrêtés quelques jours plus tard[9].
Le , la foule se presse dans l'enceinte du tribunal militaire. Personne n'attend une condamnation, mais seulement une joute oratoire, les notes relatives au service militaire des prévenus sont bonnes et tout ce que l'on peut leur reprocher, est d'avoir refusé de répondre à un rappel imposé à titre de sanction. Prenant la parole, tour à tour, les accusés se transforment en accusateurs et ridiculisent les autorités judiciaires et militaires (voir Hem Day). Malgré tout, Léo Campion est condamné, à dix-huit mois de prison, son casier judiciaire étant vierge. L'affaire risque de tourner au cercle vicieux puisqu'une fois leur peine purgée, les condamnés allaient être rappelés et refuseraient immanquablement à nouveau de se soumettre à cette injonction et seraient à nouveau condamnés. De nouvelles protestations s’élèvent et en appel, la peine est réduite pour chacun des condamnés. Mais, ceux-ci refusent toute sanction et, avec un autre objecteur, Lionel de Vlaminck, entament une grève de la faim[10]. Les avocats des accusés, Deublet et le futur secrétaire général de l'OTAN, Paul-Henri Spaak, et d'autres citoyens renvoient leurs livrets militaires. Des anciens combattants sont prêts à les imiter[11].
L'opinion publique, craignant que la plaisanterie ne tourne au tragique, exige une libération immédiate. La pression exercée est si forte que le sort du gouvernement s'en trouve menacé. Autorités et ministres ne savent comment se tirer de l'impasse. Par une formule saugrenue, ils tentent de sauver la face : Campion et Hem Day sont renvoyés de l'armée car indignes de figurer plus longtemps dans ses rangs. Ils sont chassés de l'armée pour cause d'avoir été condamnés pour ne pas vouloir y rester. Toute cette agitation aboutit donc à la libération des deux premiers objecteurs de conscience et, également, à l'abandon du projet Devèze.
Une brochure, Autour d'un procès, publiée en 1968 aux Éditions Pensée et Action, reviendra sur cette affaire, documents à l'appui (comptes-rendus, plaidoiries, témoignages, protestations, lettres, articles, études, précisions)[12],[13].
En 1937, il s'affilie à la logeLa Clémente Amitié du Grand Orient de France à Paris. Il en gravit tous les degrés écossais jusqu'au 33e et siège au Consistoire d'Île-de-France[4].
Homme de presse
De 1930 à 1936, il est caricaturiste pour le compte du journal bruxellois Le Rouge et le Noir tout en commençant une carrière de chansonnier.
Résistant et interné
À la fin des années 1930, Bruxelles devient un refuge pour de nombreux proscrits, dont les anarchistes Durruti et Ascaso (avec lequel Léo Campion lie une solide amitié). En 1937, il publie un journal d'informations sur la révolution espagnole : « Rebellion »[14].
Au début de la Seconde Guerre mondiale, Léo Campion retourne en France. Fiché comme objecteur de conscience, il est interné avec d'autres anarchistes au camp de détention d'Argelès. Toutefois, il parvient à travailler pour la chaîne allemande Télé-Paris; à ce sujet en 1969, dans son opuscule Les anarchistes dans la franc-maçonnerie, Campion retate qu'un ami franc-maçon anarchiste allemand camouflé en citoyen suisse l'aurait aidé à obtenir un laisser-passer ou « ausweis »[15].
Libéré après l'armistice, il repart à Bruxelles. Ensuite, ses allées et venues entre Paris et Bruxelles, motivées par sa profession de chansonnier, font de lui un messager idéal pour les mouvements de résistance français et belges. Malgré ses opinions (ancien secrétaire du « Comité maçonnique pour l'objection de conscience » et de la section belge de l'Internationale des résistant(e)s à la guerre), il reçoit à la Libération la Croix de guerre 1939-1945 pour ses actes de résistance.
Le spectacle continue
En , Léo Campion fonde à Bruxelles l'hebdomadaire Pan[16], feuille satirique (fusionnée en 2004 avec l'hebdomadaire Père Ubu).
Il revient ensuite à ses passions : comédien, directeur de cabaret et producteur[17]. Il devient ainsi au début des années cinquante le directeur du Caveau de la République (1951-1953) et du Tabou (1952-1953) où il se produit avec Pierre Dac[16].
Producteur à la Radio Télévision française (RTF) entre 1951 et 1961, il anime à la radio Le Cabaret du soir et participe au feuilleton Signé Furax de Pierre Dac et Francis Blanche. Il y tient le rôle de Clodomir, président de la planète Astérix, lors des saisons 2 (La lumière qui éteint) et 3 (Le gruyère qui tue).
Léo Campion[21] a d'abord réservé cet ouvrage à une diffusion strictement interne à la franc-maçonnerie. Il fut édité une première fois en 1969, sous le titre Les Anarchistes dans la Franc-Maçonnerie ou Les Maillons Libertaires de la Chaîne d'Union aux Éditions Culture et liberté (Marseille)[22],[23].
En 1978, revu et considérablement remanié, il fut édité cette fois à l'intention de tous les publics, sous le titre actuel Le Drapeau noir, l'Équerre et le Compas[24] aux Éditions Goutal-Darly (Montrouge)[25].
En 1996, une synthèse de ces deux versions fut éditée par la « Maison de la Solidarité et de la Fraternité » d'Évry et les Éditions Alternative libertaire (Bruxelles-Oléron)[26], rééditée une première fois en 2002[27], puis en 2004[28], sous la forme d'une brochure afin de lui donner une plus large diffusion.
À Grenoble, une loge maçonnique du Grand Orient de France a été fondée le sous le nom de « Léo Campion », en hommage à l'idée de celui-ci de permettre à des libertaires de « vivre de manière libertaire leur franc-maçonnerie »[29].
Publications
Léo Campion laisse une œuvre littéraire à deux visages : d'un côté des textes d'humeur et d'humour, ainsi que ses dessins dans de nombreuses publications. de l'autre des ouvrages maçonniques ou libertaires sérieux et documentés[4].
La théorie de l'abus des droits, Paris, Bruxelles, Pensée et Action, 1925[30].
Réflexions sur la violence, Belgique, Éditions de L'émancipateur, 1935[31].
Zo d'Axa : brève esquisse d'un anarchiste de la belle époque, 1936, réédition en fac similé, Saint-Denis, Le Vent du Ch'min, 1978[32].
Le Petit Campion - Lexique encyclopédique illustré, Paris, Éditions SAPRA, 1953, 12e édition[33].
Le Roman d'un fripon..., Paris, Calmann-Lévy , 1956.
Code de la bienséance à l'usage des adultes, Paris, Calmann-Lévy, Nouvelle collection Labiche, 1957[34].
Léo Campion. Palabres..., Paris, Éditions du Scorpion, 1961[35].
Autour d'un procès avec Hem Day, Éditions Pensée et action, 1968, (OCLC21034680).
Les Anarchistes dans la Franc-Maçonnerie ou les Maillons libertaires de la chaîne d'union, Marseille, Éditions Culture et liberté, 1969[36].
Sade franc-maçon, Paris, Cercle des amis de la Bibliothèque Initiatique, 1972, 163 pages[37].
↑Autour d'un procès, Léo Campion - Hem-Day, Éditions Pensée et Action, Paris Bruxelles, 1968, 104 pages, notice worldcat.
↑Jozef Schildermans, Het proces Hem Day – Leo Campion (1933), Anti-Militaristisch Buro, Leuven, 1983, texte intégral.
↑Le 15 mai 1937, sortie à Bruxelles du premier numéro du journal Rébellion paraissant le 1er et le 15 de chaque mois. Ce bimensuel est publié par Léo Campion. Une grande partie des articles est consacrée à l'actualité de la révolution espagnole. Cinq numéros paraîtront jusqu'au . Éphéméride Anarchiste
↑Emmanuel Lemieux, On l'appelait Télé-Paris, Paris, éditions L'Archipel, « L'Histoire secrète des débuts de la télévision française (1936-1946) », page 142, 2013, 259 p. (ISBN2809811296)
↑ a et bRobert Wangermée, Dictionnaire de la chanson à Bruxelles et en Wallonie, Éditions Mardaga, Liège, 1995, p. 98-99.
↑Campion Léo, Les Anarchistes dans la Franc-Maçonnerie ou les maillons libertaires de la chaîne d’union, éditions Culture et Liberté, Marseille, 1969, 242 p. lelibertaire.