Le roi du Cambodge (en khmer : ព្រះមហាក្សត្រនៃកម្ពុជា) est le chef de l'État du Cambodge. L'actuel royaume est le lointain héritier des royaumes pré-Angkoriens comme le Fou-nan et le Chenla. Il a connu sa plus grande expansion à l'époque de l'Empire khmer, constitué autour de sa capitale Angkor avant d'entrer au XIVe siècle dans une période de déclin et d'être progressivement amputé de ses dépendances extérieures puis de nombreuses provinces par ses puissants voisins du nord, le Lan Xang, et de l'ouest, le Siam, et enfin de l'est, l'Annam.
Rôle
Avec l'indianisation de la péninsule Indochinoise à partir du IIe siècle, le monarque, jusqu'alors considéré comme l'incarnation sur terre des génies du sol, devient l'intermédiaire entre ses divinités et ces sujets. À ce titre, c’est lui qui affecte les terrains vacants et gère en dernier recours les conflits fonciers. Il en va de même dans les domaines juridiques où il représente la plus haute instance et législatif où ses déclarations ne font pas seulement office de lois mais aussi de textes sacrés consignés dans des Véda. Toutefois ce pouvoir absolu ne s’applique aux royaumes périphériques inclus dans l’empire khmer que de manière épisodique en fonction du charisme et de la puissance du souverain[1].
L'avènement du bouddhisme theravāda au XVe siècle introduira un volet moral aux prérogatives royales. Mais contrairement à la doctrine prêchée par Siddhartha Gautama qui veut que les erreurs commises par un mortel soient expiées dans ses vies ultérieures, les actes d’immoralité des souverains déclenchent des cataclysmes dans le royaume. Les monarques doivent alors procéder à des cérémonies de contrition pour calmer la colère des dieux et faire revenir la prospérité sur les territoires où ils règnent s’ils ne veulent pas être déposés[2].
Le roi occupe de ce fait une place prééminente pour garantir l’harmonie entre les divinités et ses sujets qui en retour lui vouaient, il y’a encore moins d’un siècle, une totale obéissance. Toutefois, si le souverain s'avère incapable de protéger son royaume contre les fléaux de toutes sortes, la dévotion s’estompe rapidement et des prétendants au trône affirmant avoir l'oreille des dieux ne tardent pas à s’affirmer. L'histoire du Cambodge est ainsi émaillée de dépositions de souverains que des observateurs occidentaux pourraient assimiler à des périodes de troubles alors que pour les Cambodgiens il ne s'agissait que de changer un monarque qui, en ne pouvant plus intercéder en leur faveur auprès des dieux, ne remplissait plus son rôle. Pour eux les désordres étaient plus liés aux périodes de vacance du trône qu'à celles où ses titulaires étaient remplacés[3].
Même si de nos jours la Constitution de 1993 fait du Cambodge une monarchie constitutionnelle où le roi « règne mais ne gouverne pas »[4], ce dernier continue de jouer un rôle prépondérant dans ces croyances populaires héritées des époques anciennes qui avec le temps se sont superposées sans vraiment s'annihiler et qui sont encore bien vivaces, notamment dans les campagnes[1].
Toutefois, si le roi conserve une totale immunité, aussi bien sur le plan civil que pénal[4], il se doit de remplir son rôle dans le respect de la constitution[5].
Ainsi, s'il doit être informé de la conduite des affaires publiques et convoque en audience deux fois par mois le gouvernement[6], la composition de ce dernier incombe au Premier ministre et doit être approuvée par au moins la moitié des membres de l’Assemblée nationale. Le chef de l’exécutif est bien pour sa part désigné par le souverain, mais la Constitution impose qu'il soit choisi parmi les députés du parti ayant remporté les élections[7]. Le roi doit également signer tous les Kret (« décrets »), mais ils doivent émaner du Conseil des ministres[8], de même que la nomination des hauts fonctionnaires[9].
Concernant l'Assemblée, c'est lui qui la convoque au début de chaque législature[10] et il est le seul mandaté à prononcer sa dissolution sur proposition du Premier ministre et après accord de son président[11]. Il signe également les Kram (« lois ») votés[8] et peut adresser des messages au Parlement qui ne peut faire l’objet d’un débat[12].
Il peut aussi saisir le Conseil constitutionnel pour vérifier la conformité d’une loi en projet[13] ou déjà adoptée[14] ou consulter cet organe – dont il nomme trois des neuf membres[15] – pour tout projet de réforme des institutions[16], qu’elle soit initiée par le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale ou de son propre chef[17].
En tant que commandant suprême des forces armées[18], il préside le haut conseil de la défense nationale. À ce titre, il est le seul habilité à déclarer la guerre – après toutefois approbation des deux chambres du Parlement[19] – ou l'état d'urgence, après avis du Premier ministre et des présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale[20].
Sur le plan judiciaire, en tant que président du Conseil supérieur de la magistrature[23], il signe tous les actes « de nomination, de mutation ou de révocation » des juges et procureurs[9]. Il bénéficie également du droit de grâce ou de commutation des peines prononcées par les tribunaux[24].
Le roi décerne également les titres honorifiques (Samdech)[25] et préside le congrès national qui se réunit une fois par an à l’invitation du premier ministre[26], permettant « aux citoyens de s'informer directement des diverses affaires d'intérêt national, de soulever des problèmes et de soumettre des vœux aux autorités de l'État »[27].
Parmi ses rôles de monarque constitutionnel figure aussi celui d'être l'arbitre « suprême pour garantir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics »[28]. C’est à ce titre qu’il intervient par exemple après chaque élection législative, lorsque la contestation des résultats crée une crise qui bloque les institutions[29].
La couronne cambodgienne quant à elle n'est pas héréditaire mais élective. Le nouveau roi est désigné par le Conseil du trône, de nos jours constitué du Premier ministre, des chefs des ordres Maha Nikaya et Dhammayuttika Nikaya ainsi que des président et vice-présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le Conseil se réunit dans la semaine suivant la mort ou l’abdication du roi pour en désigner un nouveau parmi des candidats d’ascendance royale. Durant ce laps de temps, ou en cas de maladie grave du roi attestée par des médecins nommés par le Premier ministre et le président de l'Assemblée nationale, la régence est assurée par le président du Sénat ou, si celui-ci est également dans l’impossibilité d'exercer cette mission, par le président de l'Assemblée nationale[30].
Ses successeurs deviennent vassaux du Royaume du Chenla. Ils fuient vers l'Indonésie où ils établirent la dynastie Sailendra.
À Java : la famille issue des Sailendra, les Sanjaya régna sur Java en fondant le Royaume de Mataram au VIIIe siècle, après avoir renversé la famille régnante à Kalingga pour régner, de 674 jusqu'à sa chute. S'ensuit la fuite de la famille pour fonder Mataram en 732.
À Sumatra : Balaputra, prince héritier du royaume de Mataram accède au pouvoir du royaume de Sriwijaya. La dynastie Sailendra de Sriwijaya va subsister jusqu'en 1025, date à laquelle les Chola d'Inde méridionale capturent Sriwijayapura.
À Bali : de 914 à 947, menacés par la famille Isyana, les Sanjaya partent pour Bali et fondent la dynastie Warmadewa où ils instaurent l'Hindouisme religion d'état. En 914, Sri Kesari Warmadewa proclame le royaume à Bali. Les Warmadewa deviennent les Jaya en 1133, nom dynastique conservé jusqu'à la mort de Sri Astasura Ratna Bumi Banten en 1337, et la conquête par l'empire de Majapahit en 1343.
Angkor est officiellement abandonnée comme résidence royale en 1431.
Royaume du Cambodge
La liste des souverains du royaume du Cambodge ci-après a été établie à partir des « Chroniques Royales » souvent compilées tardivement jusqu’au XVIIIe siècle[note 1]. Si les versions des événements qu’elles rapportent sont globalement cohérentes les chronologies enregistrent des différences parfois notables d'une dizaine d'années.
Par ailleurs les rois sont nommés; par leur nom personnel « Cau Bana Tan », « Ang Em » , leurs noms de règne sous sa forme khmère « Preah Thommo Reachea V » « Barom Reacha V » ou sanskrite « Sri Dharmaraja V », « Paramaraja V ». De plus des membres de la famille royale soutenus par les cours voisines et rivales du Siam ou du Viêt Nam sont considérés par les divers documents comme des prétendants, des régents ou même de véritables souverains. Les rois et reines suivants sont tous issus de la IIIe dynastie.
↑Marie-Alexandrine Martin, Le mal cambodgien : histoire d'une société traditionnelle face à ses leaders politiques, 1946-1987, vol. 4, Hachette, coll. « Histoire des gens », , 304 p. (ISBN978-2-01-012251-4), p. 76-91
↑Alain Forest, Le Cambodge et la colonisation française : Histoire d'une colonisation sans heurts (1897 - 1920), vol. 1, Éditions L'Harmattan, coll. « Centre de documentation et de recherches sur l'Asie du Sud-Est et le monde insulindien », , 546 p. (ISBN9782858021390), chap. III (« Le roi, les génies et le Bouddha »), p. 39-42
↑ a et bConstitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. II (« Du roi »), article 7
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. XV (« De la portée, de la révision et de l'amendement de la Constitution »), article 150
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. II (« Du roi »), article 20
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. X (« Du gouvernement royal »), article 119
↑ a et bConstitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. II (« Du roi »), article 28
↑ a et bConstitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. II (« Du roi »), article 21
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. VII (« De l'Assemblée nationale »), article 82
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. VII (« De l'Assemblée nationale »), article 78
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. II (« Du roi »), article 18
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. XII (« Du Conseil constitutionnel »), article 140
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. XII (« Du Conseil constitutionnel »), article 141
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. XII (« Du Conseil constitutionnel »), article 137
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. XII (« Du Conseil constitutionnel »), article 143
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. XV (« De la portée, de la révision et de l'amendement de la Constitution »), article 151
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. II (« Du roi »), article 23
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. II (« Du roi »), article 24
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. II (« Du roi »), article 22
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. II (« Du roi »), article 25
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. II (« Du roi »), article 26
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. XI (« Du pouvoir judiciaire »), article 134
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. II (« Du roi »), article 27
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. II (« Du roi »), article 29
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. XIV (« Du Congrès national »), article 148
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. XIV (« Du Congrès national »), article 147
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. II (« Du roi »), article 9
↑Jean-Marie Crouzatier, Transitions politiques en Asie du Sud-Est : les institutions politiques et juridictionnelles du Cambodge, Toulouse, Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, , 182 p. (ISBN9782361701048, présentation en ligne), partie II, chap. 3 (« Un régime politique ambigu - Un parlementarisme déséquilibré »), p. 105
↑Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. II (« Du roi »), articles 11 à 13
Anthony Stokvis, Manuel d'histoire, de généalogie et de chronologie de tous les États du globe, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, préf. H. F. Wijnman, éditions Brill , Leyde 1888, réédition 1966, Volume I, Part 1: Asie, chapitre XIV §.9 « Kambodge » et tableau généalogique n° 34 p. 336-339.
(en) & (de) Peter Truhart, Regents of Nations, K. G Saur Munich, 1984-1988 (ISBN359810491X), Art. « Kampuchea », p. 1729-1733.
Bernard-Philippe Groslier avec la collaboration de C. R. Boxer. Angkor et le Cambodge au XVIe siècle d'après les sources portugaises et espagnoles. Presses universitaires de France (Paris) 1958.
Adhémard LeclèreHistoire du Cambodge depuis le Ier siècle de notre ère, d'après les inscriptions lapidaires : les annales chinoises et annamites et les documents européens des six derniers siècles. Éditeur P. Geuthner, 1914.
Jean Moura Le royaume du Cambodge deux tomes : éditeur E. Leroux Paris 1883.