Le mouvement #MeToo en France émerge en 2017, peu de temps après celui aux États-Unis, avec le hashtag #BalanceTonPorc de la journaliste Sandra Muller.
Le hashtag #BalanceTonPorc est lancé en France en octobre 2017 par la journaliste Sandra Muller. Dans celui-ci, elle indique[1],[2] :
« #BalanceTonPorc !! toi aussi raconte en donnant le nom et les détails d'un harcèlement sexuel que tu as connu dans ton boulot. Je vous attends. »
Les plaintes pour violences sexuelles déposées auprès de la gendarmerie française augmentent de 30 % en [3]. Afin de donner une visibilité au mouvement en dehors des réseaux sociaux, des manifestations sont organisées dans plusieurs villes de France le , rassemblant jusqu'à 2 500 personnes à Paris[4]. En France, les plaintes pour agressions sexuelles connaissent une progression de 31,5 % au quatrième trimestre 2017 (+ 18 % pour les viols) par rapport à la même période de 2016, cette hausse étant interprétée non comme une recrudescence de faits commis mais comme une moindre résignation à laisser les agressions sans suite[5],[6].
À l'inverse, la forte augmentation - 10 000 sur les 39 000 enregistrées en France entre janvier et - des plaintes de femmes pour coups et blessures volontaires, en premier lieu dans la sphère familiale, est attribuée à une « libération de la parole » rendue possible par l'effet #MeToo[8].
Il apparait aussi #JeSuisVictime, lancé le 29 février 2020, après la cérémonie des Césars où Roman Polanski est désigné meilleur réalisateur malgré les accusations d’agression sexuelle exprimées par douze femmes à son encontre. Plusieurs #metoo apparaissent au fil des ans dans les milieux français comme #metooinceste, #metoopolitique, #metoogay ou encore #metootheatre[9].
En 5 ans (2017-2022), selon une étude de Visibrain, il est comptabilisé en France 870 200 tweets, soit seulement 2 % du total mondial. Cela s'explique par d’autres hashtags comme 490 000 tweets avec le mot-clé BalanceTonPorc et 74 200 avec #JeSuisVictime[10].
En mai 2024, le quotidien Le Monde publie une photo regroupant cent personnalités du mouvement #metoo afin de montrer que les violences sexuelles et sexistes concernent toutes les catégories de la population française. En paralèlle une pétition à l'initiative de la Fondation des femmes, de l’actrice Anna Mouglalis et de #MeTooMedia, signée par près de 150 personnes, demande une « loi intégrale » contre les violences sexuelles en France[11],[12].
En 2024, pour la députée Laetitia Saint-Paul, ancienne officier de l'armée de terre ; « les chiffres sont complètement sous-évalués », en effet de nombreuses affaires d'agressions sexuelles ne parviennent pas à la cellule Thémis qui recueille les témoignages de victimes et engage des enquêtes[13]. Le ministre des armées , Sébastien Lecornu, décide, en avril 2024, d'engager une mission d’inspection sur les violences sexuelles dans l’armée[14],[15].
Le 2 mai 2024, en présence de Judith Godrèche qui l'avait demandée, l’Assemblée nationale décide la création d’une commission d’enquête sur « les violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité ». La rapporteuse de la commission est la députée Francesca Pasquini[21],[22],[23]. À la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale en juin, la commission disparait sans avoir terminé son travail[24].
Hôpital
Débuté en avril 2024, le mouvement #MeToo Hôpital est une vague de témoignages et de mobilisations dénonçant les violences sexistes et sexuelles subies par les femmes au sein des hôpitaux et des universités de médecine en France[25],[26],[27],[28]. Inspiré du mouvement #MeToo général, il prend de l'ampleur en mai 2024 suite aux accusations d'agressions sexuelles et de harcèlement moral portées par la cheffe du service des maladies infectieuses de l'hôpital Saint-Antoine (Paris), Karine Lacombe, contre le médecin Patrick Pelloux[29].
De nombreuses études et enquêtes révèlent l'ampleur du problème : 78% des femmes médecins disent avoir été victimes de comportements sexistes. 30% d'entre elles déclarent avoir subi des gestes inappropriés à connotation sexuelle. 4 étudiants en santé sur 10 subissent du harcèlement sexuel à l'hôpital. 1 étudiante sur 5 est agressée sexuellement à l'université[30].
En mai 2024, le président du Conseil national de l'Ordre des médecins, François Arnault, estime que les violences sexuelles et sexistes dans le monde médical sont « trop peu sanctionnées ». L’Ordre va engager une enquête professionnelle sur les abus sexuels subis ou constatés[31].
L'ancienne ministre de la santéAgnès Buzyn témoigne à son tour début mai du harcèlement sexuel qu'elle a subi[32]. Le mouvement #MeToo Hôpital vise à briser le silence qui entoure ces violences et à exiger des mesures concrètes pour les combattre. Les revendications portent notamment sur :
La mise en place de cellules d'écoute et de signalement des violences sexistes et sexuelles dans tous les hôpitaux et universités de médecine.
La formation du personnel à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
L'application systématique de sanctions contre les auteurs de violences.
Un changement de culture au sein du milieu médical, pour que les victimes se sentent libres de parler et que les comportements sexistes et sexuels ne soient plus tolérés[33].
Fin mai, des manifestations et des rassemblements sont organisés en France pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles à l'hôpital. Le 29 mai 2024, un rassemblement a notamment eu lieu devant le ministère de la Santé à l'appel du collectif Emma Auclert[33].
Le 31 mai, le gouvernement, par l'intermédiaire du ministère de la Santé annonce un plan pour répondre à ces revendications, qui s'appuie sur "quatre axes" :
Améliorer les suites données aux signalements
Former l'ensemble des professionnels
Déployer un dispositif de prise en charge des victimes
D'autre part, tous les personnels des hôpitaux et Ehpad publics devront suivre une formation obligatoire aux violences sexistes et sexuelles[35].
Média
En novembre 2021, huit femmes, qui dans l'affaire Patrick Poivre d'Arvor accusent le journaliste de viols, d'agressions ou de harcèlement sexuel constituent l'association #MeTooMedia[36]. L'objectif est de déclencher un mouvement MeToo dans l'espace médiatique et soutenir la lutte « des femmes et des hommes qui souffrent silencieusement dans ce milieu médiatique ».
Politique
À la suite d'un « #MeToo politique fin 2021 »[37], de nombreuses femmes travaillant dans le milieu politique et universitaire rédigent une tribune dans Le Monde invitant à « écarter les auteurs de violences sexuelles et sexistes » de la vie politique[38].
Plusieurs femmes autrices de cette tribune — notamment Fiona Texeire, Mathilde Viot et Alice Coffin — cofondent en l'« Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique », une association loi de 1901[39] visant à « recenser, documenter et soutenir les femmes victimes » d’agissements sexistes et d’agressions de la part de personnalités politiques[40].
En 2023, les journalistes Lila Berdugo et Salomé Parent-Rachdi produisent le podcast Tu ne te tairas point révèlant les agressions sexuelles de trois rabbins dans la communauté juive orthodoxe française[44].
Le mouvement #MeToo dans le sport commence avec le témoignage de la patineuse Sarah Abitbol en 2020, violée à 15 ans par son entraîneur Gilles Beyer. Il s"ensuit de nombreuses dénonciations dans la pluspart des disciplines sportives. En 2021, le ministère des sports dénombre 655 personnes mises en cause et 89 % des affaires concernent des faits de nature sexuelle[45].
Théatre
Un ouvrage, #MetooThéâtre, est publié en juin 2022 avec une vingtaine de textes d’autrices, de metteuses en scène et d’actrices coordonné par Séphora Haymann et Louise Brzezowska-Dudek[46].
Perceptions du mouvement #MeToo par les Français
2024 : L’Ifop publie, en mars, une enquête pour évaluer l’état de l’opinion publique sur le mouvement #MeToo en France[47],[48].
79% des Français indiquent avoir de l’empathie pour les femmes qui dénoncent les violences sexuelles infligées par les hommes de pouvoir.
Deux tiers des sondés considèrent la prise en charge des agressions sexuelles par la justice française comme insatisfaisante.
Des relations sexuelles entre un homme de plus de 40 ans et une jeune fille mineure choquent 89 % des Français.
Dans le cadre de l'affaire Gérard Depardieu, 70% des Français contestent les propos d'Emmanuel Macron qui considère que l'acteur rendrait « fière la France » et 90 % des gens rejettent le fait que son talent excuserait son comportement.
↑Benjamin Martinez, Floriane Picard et Eric Dedier, « 5 ans de #metoo en infographies : un hashtag, une prise de parole mondiale à rebondissements », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
↑Esther Serrajordia, « #MeToo, cinq ans après : cinq chiffres pour comprendre l’ampleur du mouvement sur Internet », La Croix, (lire en ligne, consulté le ).
↑« « #metoo, on persiste et on signe » : les coulisses d’une photo historique », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
↑« #MeToo en France : cent personnalités réclament une loi élargie pour aller plus loin dans la lutte contre les violences sexuelles », Libération, (lire en ligne, consulté le ).
↑Aude Lasjaunias et Jérôme Porier, « Cinq ans de #metoo : dans le sport, une prise de conscience à géométrie variable », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
↑Marie-Valentine Chaudon, « #MeToo au théâtre, un lent réveil », La Croix, (lire en ligne, consulté le ).