L'île fait 132 km2 pour un littoral de 88 km et une population (2001) de 2 415 habitants. Montagneuse, elle est découpée en deux vallées verdoyantes plantées d'oliviers, de vignes, de chênes, d'amandiers, d'arbres fruitiers et de cyprès[1]. La plus haute montagne, Profitis Elias, culmine à 570 mètres[1].
Sa capitale est le village de Ioulís ou Ioulída, construit à l'intérieur de l'île et en hauteur comme beaucoup de villages des Cyclades, par crainte des pirates. Korissia est le port principal de l'île[2]. Le village de pêcheurs de Vourkari est très fréquenté par les voiliers de plaisance.
Architecture
À la différence de la plupart des Cyclades, les toits y sont souvent en tuiles.
Dépendant administrativement du district régional de Kéa-Kythnos, l'île forme un dème, auquel est rattachée l'île inhabitée de Makronissos ; son siège se trouve à Ioulída. Il est divisé en deux districts municipaux, ceux de Ioulída et de Korissia.
Mythologie
Aristée, fils d’Apollon et de Cyrène a séjourné à Céos — alors appelée Ydroussa — peu après la mort de son fils, et y aurait mis fin à une épidémie de peste en offrant des sacrifices à Zeus. Céos, fils d’Apollon et de la nymphe Rodoessi, chef du peuple des Locres, envahit l’île et lui donna son nom. Acontios était originaire de l'île.
Kéa est habitée depuis le Néolithique : des fouilles du début du XIXe siècle à Képhala ont révélé ainsi un village et une nécropole datant du IVe millénaire.
La péninsule d'Agia Irini abrite un important site de l'Âge du Bronze, fouillé par John Caskey ; ce site est contemporain du site de Phylakopi sur Milos.
Les Ioniens se seraient installés vers 1 200-1 100 avant notre ère et auraient construit les quatre cités de Ioulís, Korésia, Poiessa et Karthaia.
À l'époque archaïque, l'île tombe sous la domination d'Érétrie, cité d'Eubée. Le lion de Kéa à Ioulís date de cette période. Façonné dans une pierre calcaire, il mesure 9 mètres de long. La légende raconte que l'île aurait été habitée par des nymphes aquatiques dont les dieux étaient jaloux de leur beauté auraient envoyé un lion pour les chasser ce qui après leur départ assécha l'île. Les habitants en appelèrent à Zeus et construisirent un temple pour tous les dieux. Zeus satisfait fit pleuvoir sur l'île qui vit le retour des nymphes[3].
Après la dissolution de la ligue et une possible période d'autonomie, les cités de l'île adhérèrent à la seconde confédération athénienne, d'abord Poiessa avant la victoire de Chabrias à Naxos puis l'ensemble des trois autres cités (probablement alors unies par une sympolitie)[4]. L'île (sauf la cité de Poiessa) se révolta contre Athènes en 364 mais fut vaincue ; la cité de Ioulis se révolta une seconde fois en vain. Athènes imposa alors un monopole au commerce de l'ocre, une des richesses de l'île.
Au IVe siècle de notre ère, Karthaia fut entièrement détruite par un tremblement de terre. Selon l'interprétation d'Hélène Ahrweiler, elle serait le lieu où le pape Constantin en route vers Constantinople y aurait rencontré vers 710 le stratège des Karabisianoi[5] ; cet endroit appelé « Caea » par la source relatant l'événement[6] est cependant parfois identifié avec l'ile de Chios[7]. À la fin du XIIe siècle des contacts avec Venise sont attestés, l'île figurant parmi les lieux où les marchands vénitiens bénéficiaient de franchise dans l'accord vénéto-byzantin de 1198[8].
Les Vénitiens
L'île qui fut capturée par les Latins consécutivement à la Quatrième croisade en 1204. Dès 1204, le métropolite d'Athènes, Michel Akominatos, s'était réfugié sur l'île pour échapper aux Croisés. Ce furent des Vénitiens agissant à titre privé, Domenico Michiel et Pietro Guistinian, qui prirent possession de l'île, avec l'accord de Venise et de l'empereur latin[9]. Le pirate lombard Licario reconquit l'île pour le compte de l'Empire byzantin en 1276.
L'île fut reprise en 1302 par Giorgio Ier Ghisi, Barteolomeo Michiel et Belletto Giustinian, qui se la partagèrent. Les mercenaires Almogavres de la compagnie catalane en route pour l'Empire byzantin la pillèrent en août 1303. Par le jeu des mariages et des rachats, l'île appartenait au début du XVIe siècle à deux familles, les Premarini (27/48es de l'île) et une branche des Gozzadini de Sifnos et Kythnos (21/48es)[10]. Lorsque le Duc de Naxos, Francesco III Crispo devint fou en 1510 et tua sa femme avant de s'enfuir pour Santorin, la régence du Duché, le fils de Francesco III ayant 11 ans, fut confiée à Giacomo I Gozzadini, seigneur de Kéa[11].
L'empire Ottoman (1537-1830)
L'île fut ravagée par l'expédition de Barberousse en 1537, et passa alors sous domination ottomane indirecte, les Gozzadini (non Vénitiens) devenant tributaires du sultan tandis que la part des Premarini était attribuée au duc de Naxos Giovanni IV Crispo, lui-même devenu tributaire[12]. Elle fut repeuplée par des colons avant 1566[13]. Les derniers Gozzadini furent finalement expulsés quelques dizaines d'années plus tard, probablement en même temps que Giovanni IV en 1566[14]. Vers 1580, elle fut ainsi affermée à des marchands de Patmos[15], puis fit partie des provinces relevant du kapudan pacha. Au cours de la période ottomane l'île connut alors une période de relative prospérité. Elle comptait 3 000 habitants à la fin du XVIIe siècle. Elle fut le théâtre de combats au cours de la guerre de Candie, ainsi en 1647 le dey d'Alger fut assiégé dans la forteresse de Ioulís, qui fut prise rapidement par les Vénitiens[16].
La révolution d'Orloff (1768-1774)
En 1770-1774, lors de leur expédition en Grèce dans leur lutte contre l'Empire ottoman (la révolution d'Orloff), les Russes occupèrent l'île. En 1789-1790, Lambros Katsonis, héros de la lutte contre les Turcs, utilisa Kéa comme base d'opérations pour ses raids contre la flotte ottomane.
Le 30 août 1806, François-René de Chateaubriand visite l'île[17]. Les sites antiques, notamment la cité de Karthaia, furent fouillés de façon systématique pour la première fois par l'archéologue Peter Oluf Brøndsted en 1811 ; ces recherches permirent d'identifier les emplacements de Ioulís et Karthaia, qui étaient auparavant pris l'un pour l'autre.
La guerre d'indépendance
En 1821, Nikothimos Roussos et le pope Athanasios Homatianos dirigèrent les actions de l'île lors de la guerre d'indépendance grecque. Kéa reçut de nombreux réfugiés de Chios après les massacres et une violente épidémie se déclencha. Aghios Haralambos (saint Haralambie) serait alors intervenu pour sauver l'île. Il est depuis le saint patron de Kéa.
En 1837, l'île comptait 3 000 habitants. L'île connaît alors une certaine prospérité, notamment grâce à l'exportation des cupules de chêne, utilisées en teinturerie.
(...) ayant opinion que la mort est plus à désirer que fuir, et qu'on s'en doit plutôt se réjouir qu'irriter. C'est pourquoi ils gardaient publiquement en leur ville du poison composé de ciguë, pour en donner à ceux qui se voudraient faire mourir, aux misérables et chétifs, pour mettre fin à leurs misères, et à ceux qui jouissaient d'une trop heureuse fortune, pour prévenir les malheurs et calamités à venir. Ils avaient appris cette coutume des habitants de l'île de Cea.[22]
En notre Marseille il se gardait au temps passé du venin préparé avec de la ciguë, aux frais publics, pour ceux qui voudraient hâter leurs jours ; ayant premièrement fait approuvé par les six cens, qui était leur Senat, les raisons de leur projet ; et cela n'était possible autrement que par autorisation du magistrat, et par occasions légitimes, de mettre la main sur soi.[23]
L'île est connue pour son lion antique sculpté dans la pierre, connu sous le nom de Lion d'Ioulis (ou Liontas), sculpté quelque temps avant 600 avant J.-C.
Selon la légende, l'île de Kéa abritait autrefois une population de nymphes aquatiques dont la beauté, ainsi que leur belle île, rendaient les dieux jaloux, qui envoyèrent un lion pour ravager l'île.
Quoi qu'il en soit, la Grèce continentale abritait une importante population de lions tout au long de la période classique.
↑L'Archéologue, no 150 juin-juillet-août 2019, p. 47
↑Patrice Brun, L'île de Kéos et ses cités au IVe siècle av J.C. in Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, vol. 76, 1989, p. 134
↑Byzance et la mer, p. 26, sans discussion de l'identification
↑Liber Pontificalis, éd. Duchesne, tome 1 p. 390 [1]
↑par exemple dans Andrew J. Ekonomou, Byzantine Rome and the Greek Popes: Eastern influences on Rome and the papacy from Gregory the Great to Zacharias, A.D. 590–752, 2007, p.271 ; J. M. Hussey, The Orthodox Church in the Byzantine Empirep.28, sans discussion de l'identification
↑François-Xavier Leduc, « Venise, Marin Falier, l'Égée au début du XIVe siècle : la vente de Céos par les Ghisi à Ruggiero Premarin (1325) », Atti dell'Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti, Classe di Scienze Morali, Lettere ed Arti., vol. 160, , p. 597–740 p. 605
↑R-J Loenertz, Les Ghisi, dynastes vénitiens dans l'Archipel (1207-1390) (1975), p. 90. L'affirmation de Karl Hopf selon laquelle les frères Andrea et Geremia Ghisi auraient participé à l'opération ne serait pas fondée.
↑(en) Paul Hetherington, The Greek Islands. Guide to the Byzantine and Medieval Buildings and their Art, Londres, 2001, p. 144–145. (ISBN1-899163-68-9)
↑Des faits et dits memorables (livre II, chapitre 6), cité dans Les Essais, édition établie par Jean Balsamo, Michel Magnien et Catherine Magnien-Simonin, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 2007, p. 1515
↑Funérailles et diverses manières d'ensevelir des Romains, Grecs et autres nations (Lyon, Jean. de Tournes, 1581, p. 434) cité dans Les Essais, édition établie par Jean Balsamo, Michel Magnien et Catherine Magnien-Simonin, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 2007, p. 1515
↑Les Essais de Michel Seigneur de Montaigne, livre II chapitre 3 Coustume de l'Isle de Cea, (Paris, Abel Angelier, 1595, t. I, pp. 222-231)
Lina G. Mendoni, Alessandro J. Mazarakis Ainian (dir.), Kea-Kythnos: History and Archaeology. Proceedings of an International Symposium Kea - Kythnos, 22 - 25 June 1994, Athènes, 1998